UN COURT VOYAGE EN PAYS CELTE

Un manuscrit des années 90.Par J.NATAL.

jeudi 26 juin 2008

UN MANUSCRIT INEDIT DE J DATE DE 1995.


UN MANUSCRIT DES ANNEES 90


BREVES ESCALES
EN PAYS CELTE



(Texte fidèle au manuscrit d'origine. Daté décembre 95)




























PREMIERE PARTIE




























AVANT-PROPOS









Je prends ces notes de voyage alors que je me trouve à Paimpol en compagnie de Y.. J'écris sur le bureau de bois de mon ami D..... que je suis à la trace depuis environ quinze années.
Sur le petit bureau de bois ou j'écris, face à moi, se trouve un petit miroir qui me renvoi le reflet de mon image. Je suis vêtu à la façon de Jack - London, lorsqu'il parcourait l'Amérique à la recherche de ces aventures qui lui importaient tant ; casquette brune sur la tête, écharpe de laine rouge et verte à carreaux autour du cou, gros manteau de laine pour me couvrir(Manteau qui appartenait à mon père et qui me sert depuis deux ou trois ans d'armature contre le froid dans les périodes hivernales)Posé contre le miroir, un signe chinois, qui veut dire mouton ; mouton, c'est le signe astrologique de Y.. il se trouve ici, par je ne sais quel hasard posé en face de moi juste devant l'écritoire de mon ami. il me semble tout à coup me souvenir que ce signe lui a été offert par une amie ,une amie à lui que je connais, qui a parcouru la chine et qui écrit parfaitement la calligraphie chinoise.
J'ai souvent investit des lieux sans chercher à les décrire dans leurs moindres détails, pour les rendre perceptibles à d'autres qu'à moi seul, car l'idée de le faire ne m'était pas venue à l'esprit Me retrouvant dans la position de celui qui pourrait s'occuper de le faire, puisque j'écris, je m'aperçois que la chose est décourageante. S'agissant d'un lieu d'habitation, il y a tellement peu et tellement beaucoup à dire, que l'entreprise me parait hasardeuse, car je n'écris que rarement, et ce genre d'exercice me rebute.
Le besoin d'écrire ma reprit depuis peu, mais l'idée d'écrire fraye son chemin en moi ; c'est pourquoi à la place de peindre ou de prendre des croquis, du lieu ou je me trouve ce qui serait assez naturel pour un peintre, me voici avec un stylo - plume entre les mains, en train d'essayer de croquer des aspects divers du lieu que je traverse.
Me tournant sur la gauche, j’aperçois Y... en train d'écrire dans la pièce à côté ; la pièce est trés lumineuse, elle est baignée par une lumière qui surgît de tous côtés, car cette petite pièce est une véranda. J'aperçois Y... à travers une porte vitrée qui sépare nos deux espaces.
Je viens de croquer la scéne, sur le carnet de croquis où je prends ces notes.
Je trouve insolite de prendre des traces de ce périple en Bretagne en mélangeant le dessin et l'écriture, comme si ce carnet de voyage (bref) pouvait trouver un attrait au mélange de ces deux genres.
Le dessin que j'ai saisi à l'instant, est trés sommaire, de même que l'autoportrait que je viens de tracer de moi, il me semble qu'il est vraiment à la limite de la caricature. C'est comme si la partie manifeste de l'écriture gagnait en proportions sur celle qui était en générale impartie au peintre, et que le peintre en subisse le contrecoup ; c'est pourquoi, le peintre a décidé - je le sens bien, de céder sa place. Il n'interviendra presque plus dans ce périple, les errances de l'écriture suffissent, je n'aurai pas le temps de faire deux choses en même temps.



Les errances de l'écriture, je les porte en moi, comme celles d'un voyageur insatiable aux prises avec la turbulence des images qui surgissent à sa vue.
Ainsi, la nécessité de déployer de courts récits d'écriture, celle de prendre CES NOTES survient, avec trop de pugnacité pour que je puisse la freiner. Cette urgence d'écrire c'est fait sentir en moi depuis quelques temps, depuis que j'ai ouverts les portes de mon cœur à une vieille passion d'écrivain qui était restée blottie dans mes espaces intérieurs depuis de nombreuses années.
Je me dis que la fonction de l'écriture qui remplace de plus en plus fréquemment celle de la peinture, je me dis, que cette fonction doit posséder un sens précis ou une vertu que je ne lui connais pas encore, car elle s'installe en moi d'une façon trop insistante pour que je puisse l'ignorer.
C'est dans son dessein (même s'il est à peine visible) que je peu entrevoir le nouveau sens que voudrait prendre ma vie ; comme si le grand dessein que le peintre s'était donné ne lui suffisait plus ; et qu'elle devait commencer dés à présent à ajuster aux desseins du peintre ceux de l'écriture; de l'écriture telle que je l'entrevois dans le fraye de mes désirs pour elle. Ecriture emblématique peut-être, presque intoxiquée par mes rêves.
Ecriture que je voudrais voir libre, aérienne, écriture nomade sans doute, entrelacée en de courts récits. Cours récits comme ceux d'une vie qui s'affronte à elle-même, et livre par delà elle-même, des étendues nouvelles ; écriture qui laisse deviner des paysages, des perspectives, des espaces, des étendues ou l'émotion, la sensibilité et la poésie s'entremêleraient par saccades. Brefs portraits de passage, qu'un homme laisse échapper de lui-même, sans se poser la question de savoir, si cela est bon ou non d'en produire de tel sorte.
Ainsi dans ce début de récit que j'écris, aussi vite qu'une toile que je peindrais à la manière des fauves, guidé par l'instinct, et secondé par la seule précision du trait que m'accorde le style et la langue que j'ai dressée en moi, se dessine en pages fragmentaires des commentaires de voyage que selon et comme on voudra, on prendra pour des récits de voyageur(ceux d'un peintre voyageur)ou pour des notes de voyage ; car telle est ma position ; celle d'un nomade de l'écriture hissé à l'intérieur d'un récit spontané ou le sens d'une vision ne peut lui apparaître qu’après avoir en lui fait place net à tous les préjugés, ceux du peintre, ceux de l'écrivain(fantasmé) ; pour ne rejoindre en dernier lieu, que la vision d'un homme affranchit des formes et des postures qu'on réclamerait de lui, si on voulait le désigner d'une seule et unique façon ; en le montrant du doigt, en disant : regardez-le voici : C'est un peintre en voyage, il poursuit un récit qui est comme l'écriture. Regardez le c'est un écrivain en dérive, il est en train d'écrire comme un peintre en voyage.
Rien ne garantit rien sur ma vie. Mes visions se complétent, elles se tiennent l'une à l'autre pour donner (à ma vie) un sens que sans elles, elle n'aurait jamais.
Dans cette sorte de plongée verticale ou l'écriture me jette, je retrouve l'ardeur du peintre à décrire en traits rapides des visions intérieures qui jouaient en lui, sous forme d'espaces accumulés au fur et à mesure des années d'existence, comme en chaque homme nous pouvons le voir, si jamais nous prenons le temps de regarder, par la fente de son être intérieur.
Et semblables à ces grandioses paysages de Bretagne que nous avons traversés hier avec Y.. je pourrais comparer en étendues, certaines zones intérieures de ma vie; même si le temps n'est pas encore mûr pour me livrer au travail de jardinier qu'exige le déploiement de ces univers intérieurs; ainsi, je dois me garder des emphases, et revenir à des techniques de descriptions plus élémentaires si je veux qu'on perçoive ici toute la simplicité narrative qui m'émeut; car la finalité de l'écriture, je ne la connais pas encore; je ne connais présentement, que la franchise des sensations qui m’étreignent.
Ainsi, celles que j'ai éprouvées les jours passés à parcourir la Bretagne ou je me trouve (et les étapes qui en formèrent la trame) tout cela forme le cœur d'un cour récit, que j'aimerais remonter, pour en faire partager les sensations, à ceux qui auront su me suivre jusqu'ici, sans s'épuiser en de vains efforts pour venir jusqu'à moi.








































CHAPITRE I





Ainsi, nous partîmes de Paris Y.. et moi, pour rejoindre à la vitesse des jours quelques moments de vie paisible. Mais avant d'accéder à la joie du voyage, il nous fallut traverser les épreuves imposées par la ville tentaculaire qui nous enlaçait encore tant et plus, qu'elle ne voulait pas nous lâcher, et qu'elle nous tirait à elle, jusqu'au dernier instant.
Ainsi, je crus perdre patience, quand essayant de rejoindre l'autoroute qui menait en direction de Chartres, Orléans, je me retrouvais toujours sans le vouloir dans une direction qui menait invariablement plus haut, en direction de Dreux ; et m'obstinant à rejoindre une direction obsessionnelle, celle de l'axe Chartres Orléans, je perdis quelques grands instants à retrouver cette direction qui n'existait que comme une dimension fabulatrice dans mon esprit, car j'aurais pu en prendre une autre.
Ce fut seulement lorsque je consentis, à suivre la route que le hasard providentiel me traçait que je pus savourer ma joie de rouler en direction de la Bretagne, fusse même par une autre route, que celle que j'avais voulu obstinément emprunter au départ ; car celle ci passait par Dreux.
Elle passa aussi par Alençon, mais c'est seulement après un temps incertain de route effectué sous la splendeur des paysages de neige que mon esprit se détendit peu à peu et qu'il me fût possible de conduire calmement, savourant au passage la beauté de certains lieux que je semblais découvrir pour la toute première fois ; sans doute parce que la neige récente les rendait extraordinairement irréels.
Et je ne peu dire en quoi cette sensation m’apparut somptueuse, car elle s'était produite pendant que je conduisais mon véhicule ; dans ces moments, la beauté des lieux que l'on traverse est engloutie malheureusement par l'obligation qui nous est imposée de tenir ferme notre conduite.
Ces immenses étendues parcourues comme dans un souffle durèrent pourtant des heures entières ; de Paris à Dreux à Alençon. Le Mans fut vaguement entr’aperçu, contourné, puis dépassée ; Laval fut avalé, Rennes (ville mythique) rapidement saisie en surplomb fut exécutée. Nous voici projeté dans la direction de Brest St Brieuc ; cette dernière ville gagnée à la nuit tombante, nous indiquait déjà la direction suivante. Paimpol ,comme la fin du premier périple que nous avions gagné à la force du volant, dans une seule enfilade, entrecoupée seulement d'une pause, ainsi que font les lutteurs quand ils désirent garder leurs forces pour atteindrent la fin d'un combat; ils jugent approximativement de la dimension du temps qu'ils leur reste avant que celui ci survienne, et s'arrangent pour reprendre leur souffle à un endroit propice ;ainsi, je poussai ma lancée pour que nous puissions atteindre notre destination à une heure confortable; assez confortable pour ne pas avoir à subir les inconvénients d'une suite de situations imprévues pouvant résulter de la part d'incertitude que je sentais rôder instinctivement autour de notre lieu de largage . Nous atteignâmes de nuit Paimpol, et comme je le pressentais fortement, mon ami n'avait pas laissé de clef dans sa boîte comme il me l'avait pourtant écrit. J’étais à cet instant, comme un lutteur repu de fatigue qui s'apercevait qu'au lieu du repos mérité, il devait affronter un dernier obstacle qu'il avait pressenti, sans toutefois s'imaginer qu'il surviendrait au final. Si j'avais roulé si vite pour venir jusqu'ici, c'est que j'avais pressenti qu'il fallait me hâter. Je savais que si nous ne pouvions pas dormir chez mon ami, il y avait une auberge de jeunesse quelque part dans la ville, et que je pourrais la rejoindre, si j'arrivais à une heure convenable pour que nous puissions y loger.


Dans le destin des choses, il y a toujours un élément qui nous ravit, même s'il surgit d'une complication apparente. C'est pourquoi, après avoir eu la chance d'accéder à l'auberge qui était encore ouverte, nous n'arrêtions pas avec Y.. de faire l'éloge de ce nouveau lieu d'élection que nous venions de découvrir presque incidemment "l'auberge de jeunesse de Paimpol". (Elle était presque déserte en cette saison) Elle prît pour nous l'aspect d'un hôtel extraordinairement confortable ; le prix qu'il fallait payer pour y avoir accès, nous permettait encore d'envisager d'autres futurs voyages, car il nous faisait accéder à l'état de membre des AJ, ce qui nous donnait la merveilleuse possibilité si nous le voulions de loger à bas prix durant un an dans toutes sortes de lieux divers et insolites à travers la France, et pourquoi pas à travers l'Europe, ou à travers le monde, car rien ni personne, ne nous interdisait de nous livrer à de telles rêveries.
Qu'on juge de la rapidité des descriptions que je livre de ce voyage, à la rapidité d'un récit effectué en toute hâte d'écriture ; qu'on le juge aussi au temps d'une journée écoulée d'un seul jet, pour en apprécier la justesse du ton.
Ce voyage que nous avions prévu d’effectuer sans raisons apparentes et sans plan, nous fournissait dés le premier jour, la marge d'improvisation dont nous avions besoin pour ne pas tomber dans l'ennui d'un voyage trop ordonné ; il comportait déjà assez d'imprévu pour nous dépayser dés le premier jour.
Pour ma part, redécouvrant Paimpol sous cet angle (c'est à dire en compagnie de Y...) je me donnais la sensation d'être en voyage, bien plus encore que les fois précédentes ou j'étais venu ici en invité chez D.. Mon ami, qui m'avait pourtant fait découvrir la Bretagne par pans entiers, et bribes par bribes, au fur et à mesure des ses propres pérégrinations; car je le suivais à la trace. En venant à Paimpol de cette façon en couple, et en auberge, j'avais le sentiment de me réapproprier une sorte de vie imaginative que cette ville m'avait dérobée ; à cause sans doute que toutes mes pérégrinations précédentes avaient été entourées de celles de mon aîné, car D.. était mon ami, mais aussi mon aîné.
J'avais dans cette ville, vécu déjà des événements et des situations de toutes les couleurs, et bien souvent je n'avais vu cette ville qu'à travers le regard de mon ami. C'est grâce à ce souvenir d'ailleurs, que je pus m’orienter plus facilement dans la ville, et y redécouvrir des voies et des chemins, des " sensations" que j'avais déjà parcourues auparavant.
Lorsque nous plongeâmes vers L'Arcouest le lendemain matin, je voulais retrouver cette sensation de splendeur et de dépaysement que j'avais éprouvé toutes les fois que je m'étais promenées dans cette partie de la côte, à proximité de Paimpol.
Cette sensation inébranlable qu'avait déposée en moi cette partie de mer, était si caractéristique, que j'avais plaisir à la retrouver, à chaque fois que je la croisais (au hasard de mes allées et venues sur la Bretagne.)
Il y avait dans le défi du paysage une marque si caractéristique, que j'avais la sensation en revoyant à chaque fois cet endroit, qu'une "marque invisible" était dressée devant moi, comme un signe invisible d'écriture posé sur l'espace.
Ce signe était lié, à l'émotion toujours semblable que j'éprouvais à la vue de cette nature, empreinte de grandeur impersonnelle, de beauté et de sévérité ; quand je dis sévérité, je ne sais pourquoi, car la nature n'est rien d'autre que la nature ; et la sévérité n'intervient que comme un sentiment humain qui viendrait se greffer sur la sensation que j'éprouve vis à vis de ce lieu.
La sévérité du lieu, n'est due, qu'à sa solennité naturelle ; les paysages des côtes bretonnes sont tous superbement empreint de cette sévérité superbe et sauvage qui leur donne, cette beauté disproportionnée, et cette sensation menaçante.
La menace éprouvée, ne vient pas tant de la grandeur du paysage, que des marées ; c'est à dire des mouvements perpétuels qui s'y produisent. La beauté des côtes bretonnes est empreinte de cette solennité surnaturelle empruntée à la nature par les divinités ; étant elle-même une partie intégrante de la force surnaturelle, cette côte donne à quiconque la regarde, le sentiment de la petitesse et de la fragilité de sa propre personne, face à la force extraordinaire de cette mer qui surgît. Cette force de la mer qui surgît impétueuse, casse le paysage, et le construit, elle trempe l'âme des hommes dans un bain de stupeur et de fascination, car ils se sentent soudain, petits et désarmés devant elle. C'est la grandeur de la nature, qui force l'homme à la contemplation, et qui lui donne le sentiment d'une grandeur relative ; sans cette étreinte prodigieuse, le voyageur humain pourrait avoir encore, l'immense prétention de comparer sa propre personne ; à celle des éléments ; ici il voit du premier coup d’œil, à moins d'être tout à fait aveugle à lui-même ; que rien (pas même l'homme lorsqu'il se prend pour un être à part) que rien, ne peut se comparer à la démesure de la nature ; lorsqu'elle se présente sans frein ou sans fards, tout entière devant lui. Ainsi dans cet endroit du monde surréel, l'homme est remît pour un temps, à sa propre place ; et sa personne lui apparaît moins prodigieusement surfaite qu'à l'ordinaire. Pourtant, l'habitude aidant, je suppose que l'homme vivant au contact de cette prodigieuse nature, redevient fidèle à ses habitudes, c'est à dire, qu'il redevient petit et banal, profondément imbu de lui-même ; même lorsque la nature impétueuse vient à lui rappeler à la vanité de ses sentiments sur lui-même. Je ne doute pas, que les voyageurs et les marins qui ont appris à se mesurer à cette puissante mer (qu'ils côtoient régulièrement) aient gardé dans le secret de leur cœur, cette part de grande terreur qui leur assure qu'en eux-mêmes, ils ne sont rien, face à la grandeur déployée de cette force, et face à son immensité ; car ils ont appris à se mesurer quotidiennement avec elle. Connaissant peu les marins, étant un homme de la terre, surtout de la montagne ; je peu pressentir néanmoins à voir ces hommes, que leurs manières de voir ne pourra jamais être celle des hommes des villes ; la distance considérable qui sépare l'homme de la mer de l'homme de la ville est aussi grande que celle qui sépare les continents, des océans qui les entourent ; elle est presque sans limites. Toutefois, mes aperçus sur le sujet sont de peu d’intérêt ; à vrai dire, ils sont même sans intérêts ; l’intérêt ici s'il y en a un, et de mesurer la précision de mon regard, à celle de mon intelligence ; et de confronter la précision de mon intelligence, à celle que mon cœur me dicte ; dans l'intervalle, je peu tenter en dernier lieu, d'être un observateur perspicace et ingénieux ; je peu être tenté même de découvrir des vérités dans la réalité qui m'entoure, à seul fin de décrire les formes de raccourcis et de volutes, que me procurent mes sensations ; lorsqu'elles sont incidemment reproduites dans le cahier de bords que j'en tiens présentement. Mais là encore je n'aimerais pas que vienne s'installer une trop grande confusion, je ne voudrais pas que la sensation d'ivresse que me procurent certaines de mes sensations ne vienne à me faire perdre la tête ; je suis autant intéressé par la nature des paysages que je traverse et que j'observe que par la forme incidente que peu prendre chacune de mes sensations ; lorsque je les revois séparément. Je trouve autant d’intérêt comme voyageur, à observer mes sensations, qu'à observer les éléments ou les objets qui les ont provoqués ; en ceci, je suis comme une sorte d'explorateur, car rien à ce niveau là, ne m'est connu par avance. Je suis toujours et incessamment en terre vierge ; la connaissance de soi, et la plus étonnante des découvertes ; c'est aussi sans doute la plus attrayante des formes de voyage. C'est sans doute celle que je poursuis à travers ces récits de voyage qui n'ont que l'apparence de tels récits, en réalité, ils ne décrivent plus véritablement des voyages, que lorsqu'ils sont eux-mêmes récits ; c'est à dire des récits d'écritures qui traversent des récits de voyages ; récits d'écritures qui traversent mon être et ma mémoire, à la façon de continents que j'aperçois à peine, lorsque je me tiens assis à côté d'eux sans jamais songer à les aborder ; jusqu'au jour ou leur présence se manifeste à moi, sans presque que j'ai eu besoin de la provoquer ; parce-que sans doute ce jour là ; il devenait inéluctable qu'elle devait apparaître pour se faire connaître à moi sous cette forme ; parc’que mon être avait besoin d'elle pour satisfaire sa curiosité de lui-même, et pour poursuivre à sa façon sa quête éternelle de sensations et d'ivresses.




































INTERMEDE


AVIS:LES NOTES QUI FIGURENT DANS CETTE PARTIE FURENT PRISENT A MON RETOUR DE BRETAGNE, ELLES N'ONT PAS FORCEMENT GRAND CHOSE A VOIR AVEC LES RECITS QUI VONT SUIVRENT ; ELLES FORMENT UNE ESPECE DE DIVERSION ; IL ME VINT A L'IDEE DE LES SUPPRIMER APRES AVOIR RELU MON MANUSCRIT, ET PUIS FINALEMENT J'AI DECIDE DE LES CONSERVER, CAR ELLES AJOUTENT UNE PETITE NOTE DE COULEUR NOURICIERE A CES VAGABONDAGES.LE LECTEUR QUI VOUDRA ACCEDER DIRECTEMENT A LA SUITE DES RECITS, POURRA DONC S'ABSTENIR DES LES LIRES, CAR ELLES N'ONT QU'UN RAPPORT INDIRECT AVEC EUX.
JE DOIS SIGNALER QUE LA PLACE Q'OCCUPE CET INTERMEDE, EST CELLE QU'IL OCCUPE SUR MON CARNET DE CROQUIS, SUR LEQUEL J'AI ECRIT UNE GRANDE PARTIE DE CES IMPRESSIONS DE VOYAGE.
LES DEUX PREMIERES PARTIES, ONT ETE ECRITES A PAIMPOL.J'AI ENSUITE CONTINUER D'ECRIRE MES IMPRESSIONS UNE FOIS RENTRE DANS MON ATELIER SITUE EN BANLIEU SUD DE PARIS (EN BORDURE DE SEINE). L'INTERMEDE EN CONSTITUAIT L'AVANT PREMIERE PARTIE.






Me voici, revenu sur les bords de Seine, dans mon bel espace dormant, au milieu d'un froid brutal ; heureusement que j'ai commencé par m'y préparer à y vivre un hiver rude. L'espace que j'ai aménagé, s'est transformé radicalement après la venue de Y.. ; il est devenu un lieu ou il fait bon vivre, bien qu'une marge d'inconfort y subsiste. C'est devenu aussi depuis que Y.. est ici un lieu franco chinois.
Sur la table ou j'écris, derrière moi se trouve suspendue une des pièces rares de ma collection de peinture chinoise, un travail au pinceau représentant le portrait du célèbre empereur de la dynastie Tang (618.907)"TAN ; TAIZON". Des caractères chinois que j'ai fais traduire par Y.. stipulent que cette époque fût bénéfique, car la scène représentant l'empereur mongol s'intitule" Louanges de l'époque prospère". Le peintre qui a réalisé le tableau a apposé son cachet et sa signature. Le peintre s'appelle CHAN-GUAN.TSO. Je n'ai pas retrouvé traces de lui dans les livres de ma bibliothéque, assez maigre il est vrai. Cet artiste vivait à la fin de la période Tangs. (La peinture que je possède, est une merveilleuse transposition noire et blanche de la peinture originale, j'ai cru en l'achetant, dans une petite boutique perdue dans les montagnes de chine, à deux pas d'une source miraculeuse, que j'avais mis la main sur une "antiquité, c'est à dire sur un authentique original" réaction stupide d'un occidental, cette peinture n'est pas une "antiquité" mais c'est un original en soi, car le peintre qui la réalisé, d'après un des modèles d'origine est parvenu à me faire croire qu'elle était un authentique original ; cela devrait suffire, car il a donné tellement d'âme à cette chose, qu'elle est devenu aussi précieuse pour moi que si elle était une peinture d'origine.)

Notes pour me rafraîchir la mémoire.
L'EPOQUE DES TANGS : 618-9O7
"A l'époque des Tangs, la civilisation chinoise atteignit un équilibre harmonieux entre l'objectivité du confucianisme et l'introspection du Taoisme. Il en résultat une atmosphère idéale pour la culture des arts.
Le pays n'avait jamais été aussi prospére ni son économie aussi bien organisée. On y comptait cinquante trois millions de contribuables. On y pratiquait librement des religions nouvelles, telles que le mahométisme, le manichéisme, le christianisme nestorien et, bien entendu le bouddhisme. Cette période est surtout connue pour sa poésie, celle ci sortait de la plume de grands écrivains tels que Li Tai - Po, Tou Fou, Meng Ho - Jan, An Lei et Pai Chu - Yi. (J'ai tiré ces notes du livre de Peter C. Cwann sur la peinture chinoise.p.45.c.idées.Gallimard.)
Si on veut connaître mieux la vie d'un peuple, on peu consulter les historiens, mais il faut (il me semble) lire avant tout ses poètes ; car ils ont la curieuse faculté de nous transmettent des sentiments ou des états d'âme qui possédant une étrange propriété ; celle de pouvoir traverser l'espace pour venir nous rejoindre en conservant l'éclat spontané de ce qu'ils furent à l'état natif à des époques parfois radicalement opposées à la nôtre. Je garde toujours apurés de moi un livre précieux, c'est l'anthologie de la poésie chinoise classique(Poésie Gallimard) En parcourant quelques poèmes écrits sous la période des Tangs, j'ai l'impression d'en connaître plus que ce que m'en donne à voir les historiens qui me décrivent cette période, car en chaque poème, je peu avoir la sensation de revivre les sentiments et les passions éprouvées par quelqu'un qui les a vécus "dans une vie lointaine" ; j'ai toujours en moi cette sensation troublante quand je lis de la poésie ; je suis comme assis dans le cœur d'un homme" qui est toujours vivant"
Je n'ai pas de place assez pour citer tous les poètes que j'aimerais citer. Je n'en citerai que deux. Le premier poème est de Li Po ; je cite ce dernier non pas parce que Li Po est le poète chinois le plus célèbre en occident ou parce qu'il vécut longtemps une vie de bohème ou par ce que certains l'ont comparé à une sorte d'immortel " un immortel banni sur terre" ou parce qu’ayant jouit des plus en grands honneurs il finit exilé, et que sa mort ressemble à une légende. - Il serait mort, une nuit d'ivresse en essayant de saisir le reflet de la lune dans les eaux du fleuve ve bleu - mais parc’que un court poème de lui m'est resté en mémoire tellement sa forme sculptée m'est apparût resplendissante.



LES NOIX BLANCHES




Sur des manches de tulle rouge, ont les voit clairement ;
Mais sur un plat de jade blanc, elles sont comme inexistantes.
Et l'on dirait qu'un vieux moine, en cessant de prier,
Devant ses poignets a posé des perles de cristal.




Le deuxième poème est de Tchang Ki, sur lequel je possède peu de renseignements, peut-être vivait- il approximativement à la même époque que Li Po.
Je cite ce poème non pas au hasard, mais parce que j'ai sous les yeux journalièrement une trés belle calligraphie de ce poème, une de celle que l'on trouve en quantité industrielle dans les boutiques chinoises destinées(entre autre) aux occidentaux qui veulent ramener un souvenir de Chine. Cette calligraphie, ne voulait rien dire pour moi, jusqu'au jour ou je me suis décidé à la faire traduire par Y. et quelle ne fût pas ma surprise, de découvrir derrière ces signes (incompréhensibles pour moi qui ne lis pas le chinois ) les merveilleuses images d'un poème, qui venaient pour animer de leur souffle ancien, les formes purement esthétiques de cet objet (sans profondeur) avant que je découvre qu'il en possédait une (double de surcroît), et qu'elle me renvoyait à la vision d'un paysage entr’aperçu, il y a plus d'un millénaire, par un poète en proie à la solitude et qui la décrivait tout en décrivant le paysage qui lui faisait face, et une partie de celui qu'il avait entr’aperçu dans un rêves alors qu'il ne pouvait pas dormir, et qu'une cloche au loin lui rappelait le souvenir d'un voyage qu'il avait fait peu de temps auparavant, alors qu'il se rendait dans une ville dont j'ai oublié le nom, et qu'un monastère lui était apparut sur sa gauche au moment ou il s'apprêtait à débarquer du bateau qui l'amenait à sa destination.


NUIT À L'ANCRE
AU PONT DES ERABLES



La lune se couche, un corbeau croasse, le gel empli le ciel ;
Les érables du fleuve et les feux des pêcheurs font face à mon triste sommeil.
Du monastère de la Montagne froide, hors des murs de Kou - sou,
Le son d'une cloche, à minuit, parvient jusqu'au bateau du voyageur.

La traduction que j'en donne est une de celle qui figure dans l'anthologie que j'ai déjà citée (page 297.)
On remarquera au passage, combien les poètes sont peintre (en chine peut-être plus qu'ailleurs) et comment ils parviennent à dépeindre des sentiments et des émotions en nous offrant à contempler de simples paysages.




Je fais intervenir cette longue ouverture (assez confuse) sur la chine dans ce récit sur mon voyage en pays d'Armore que parce qu’incidemment, la chine y joua un rôle. Y. ma compagne aimée est chinoise, et D.. l'ami chez qui j'ai commencé par rédiger ce CARNET DE BORDS est un grand amoureux de la Culture chinoise; certes il n'en parle pas la langue, mais en connaît certains caractères, pour les avoir étudiés depuis des années, à la façon minutieuse des décortiqueurs de crevettes. Chez D.... d'ailleurs à Paimpol, j'ai pu relire rapidement certains ouvrages sur la Chine, la bibliothèque de mon ami est trés fournie en livres de toutes sortes. J'ai pu observer qu'il possédait entre autre un livre sur la peinture chinoise, le livre de R.V.Gulik (l'auteur des enquêtes du juge Ti ) sur la vie sexuelle dans la chine ancienne ; des ouvrages de Segalen, de nombreux manuels de chinois, un livre sur les empereurs chinois, et bien d'autres livres en tous genres ; mais aussi un livre assez connu à son époque de M.Boulet, ce français qui s'est glissé dans la peau d'un chinois pour nous décrire un aspect de la Chine que les idéalistes de ce pays trop souvent mystifié (parmi lesquels je dois me compter), auront du bonheur à parcourir ; les fameuses ombres chinoises de Simon Leys, et certains autres ouvrages qui m'ont échappé.
Toutefois, comme j'ai relu surtout des passages du livre de M.Boulet (Dans la peau d'un chinois) je voudrais ici revenir un peu en arrière pour faire le point sur certaines réflexions qu'ont suscité en moi la lecture de ce livre. Livre pas si vieux, puisque Boulet a effectué son premier voyage en 1983, et parle de la chine des années 1985 à 1987 (son second voyage) c'est à dire- il y a à peine dix ans de cela.
L’intérêt de Boulet c’est qu'il a vu de la Chine, des choses que nous sommes incapables de voir de l'extérieur, des aspects de la Chine que n'ont jamais vu la plupart des voyageurs occidentaux férus de la culture chinoise. Il y parle des bordels entre autre, de la culture du chanvre, d'une chine macho et raciste qui devrait aider à remettre les pieds sur terre à tous ces voyageurs amoureux d'une chine imaginaire (dont je fais partie naturellement). D'après B.. le côté raciste et nombriliste des chinois, est souvent masqué par la propagande culturelle de la société communiste qui vise à montrer une image statique de la chine; à n'en montrer que la face lisse et civilisée, la meilleure face si l'on veut.
Personnellement, je me demande si sous cet aspect, cette définition ne pouvait pas s'appliquer à tous les offices de tourisme du monde entier, car lorsqu'on vend les mérite d'un pays il est rare qu'on en montre les plus mauvais côtés ; la chine n'étant encore "qu'une démocratie virtuelle, hantée par des millénaires de théocratie", il y a bien des aspects abominables de son univers intérieur qui nous échappent, comme nous échappe la transparence du nôtre tellement persuadés que nous sommes qu'il est le meilleur.
Sans doute le choc que l'on peut recevoir de la lecture de B.... (le on s'adresse à une multitude d'individus indiscernables) provient il de ce que nous avons tous de la Chine une idée préconçue, quasi préfabriquée.
D'où nous sommes, elle nous apparaît lointaine et toujours un peu mystérieuse, et plus elle nous apparaît lointaine, plus nous fantasmons sur elle ; son extraordinaire passé culturel nous autorise à la fantasmer sous bien des angles, car il nous laisse à penser que la Chine que nous croyons connaître n'est jamais la même que celle que connaissent les autres, il y a toujours un penseur ou un poète de l'ancienne Chine qui vient nous rappeler que cette étrangement vieille civilisation est toujours au fond d'une puissante actualité sur le plan " culturel " même si elle nous semble affreusement en retard sur le plan des droits de l'homme et sur celui de l'économie de marché capitaliste ce qui est tout naturel vu son itinéraire. C'est ce décalage entre son génie intellectuel si finement pesé, si hautement réfléchit et ses pratiques " réactionnaires" ses mœurs barbares, vis à vis des femmes et des animaux, sa conception de l'ordre et (du désordre) etc. toutes sortes d'aspects qui me la rendent pour une grande part presque indiscernable ; comme si une partie d'elle-même m’apparaissait presque familière (celle des poètes des peintres et des philosophes que j'ai appris à aimer après les avoir côtoyés ) et qu'une autre partie, était destinée à me demeurer radicalement incompréhensible, une partie située dans son présent, mais qui a trait aussi à son immense histoire passée à ses traits de caractère et à ses manières de voir le monde si éloignées souvent de celles que j'ai prises pour habitude de tenir pour les miennes.
Sans doute le meilleur des critiques de la chine est- il Luxun ; c'est d'ailleurs une citation de Luxun qu'a fait figurer Simon Leys sur l'entête de son livre "les ombres chinoises".
La Chine apparaît singulièrement déconcertante pour le voyageur occidental qui la côtoie à revers, comme le fait B.. elle apparaît bien moins homogène qu'on était fondé à le croire, elle devient fragile, contradictoire et extraordinairement incertaine de son rang, à la fois fascinée par l'occident et imbue du pouvoir que lui confère sa place par nombre d'habitants au niveau planétaire; elle fait planer cette menace sur les esprits, car elle sait que sa surpopulation la rend effrayante. Une autre caractéristique de la Chine que B.... a cotôyé, se distingue par son inculture. Cette Chine là semble ignorer quelle possède poètes et philosophes les plus sublimes de la terre.
J'avais besoin de me livrer à cette sorte de visionnage de la Chine, car elle devient de plus en plus présente dans mon esprit. C'est un des paradoxes, non les moindres de ce récit de voyage que j’effectue présentement de livrer des impressions en provenance d'un pays que j'ai reparcouru incidemment au contact de la lecture du livre de B.. alors que je me trouvais dans un autre pays la Bretagne, tellement éloigné de la Chine, qu'on pourrait se demander, ce que ces notes viennent faire là; si on ne les rattachaient pas, à la halte que j'ai fais à Paimpol, dans le lieu secret ou vit toujours mon ami D...
Il faut sans doute y voir un des signes, que cette terre, la Bretagne a aggloméré à sa propre tradition. Ségalen ce grand découvreur de la Chine, ce grand poète de l'exotisme, n'était il pas lui même breton. Et c'est sans doute à cause de cette singularité culturelle si forte du peuple breton, que l'on trouve en ce pays tant d'exilés et de poètes festoyants dans les ondes du grand pays qu'est la Chine. La Bretagne, terre d'exil pour de nombreux artistes, n'a pu susciter cet attrait, que parc’qu’elle est en elle-même, une terre d'élection, pour les esprits se rattachants à la grande tradition de pensée maternisante qui sous tend toute la culture bretonne, la culture chinoise, mais aussi toutes les cultures à fortes connotations archaïques et traditionnelles. Quand je fais référence, à la pensée de la Chine ou à celle de la Bretagne Celtique ; j'utilise la référence maternelle, car il me semble qu'elle préside à la conception des valeurs qui sous tendent ces grands pays. En même temps, qu'on m'entende bien, je dis maternel, et non pas matriarcal en parlant de ces façons de penser ; car on pourrait rire de moi, à juste titre si je m'avançais pour dire que la Chine est un pays de pensée Matriarcale qui est faux, car dans ce pays les femmes, plus qu'ailleurs ont été maltraitées. Ce qui préside plus que tout à la pensée chinoise, c'est somme toute la prégnance d'une pensée patriarcale et paysanne ou le sens des réalités prévaut toujours sur le sens fantastique ou mystérieux propre à l'âme chinoise. Pourtant, il y a dans la constitution même de la pensée chinoise, celle en provenance du taoïsme surtout, une exigence de formulation qui la rend proche d'une pensée maternisante du monde ; pensée ou l'intelligence issue de la partie féminine de l'homme, tente toujours de s'ajuster aux principes du savoir, issus de l'expérience humaine, qui découle de l'observation des réalités qui sont en œuvre dans l'univers. Et l'univers pour les peuples chinois et celtiques est toujours issu de cette grande déesse, qu'est la nature première originelle ; c'est pourquoi le côté maternel de la pensée y est toujours présent, mais il est atténué par la présence d'une pensée régulatrice, qui lui est dictée sinon imposée, par l'homme législateur et souverain des choses.













CHAPITRE II





Lorsque avec Y. nous sommes parti rejoindre mon ami D..... dans les monts - D'Arée, tout au début de ce bref voyage; nous connaissions déjà une infime partie de cet arrière pays; celle que nous avions déjà eu l'occasion de côtoyer, lorsque les années précédentes, nous étions allé rendre visite "aux indiens" de la vallée de Berrien.
Pour accéder à la maison de Christina la nouvelle compagne de D..... j'ai cru me perdre un certain temps, car l'itinéraire qu'il m'avait tracé sur son plan, ne recoupait pas celui que j'avais déjà parcouru à une autre époque, (pour accéder à la vallée des indiens.)Je m'aperçus par la suite que l'itinéraire qu'il m'avait tracé, correspondait à une route plus directe, et que cette route ne passait pas par la vallée de Berrien (là ou se trouvaient les indiens) qui était située sur la gauche de notre itinéraire.
Au début, je crus m'être trompé, car au lieu d'accéder aux monts - D’Arée directement par la forêt, c'est à dire en direction d'Huelgoat ; à partir de Morlaix, nous longeâmes la plaine, durant une bonne demi-heure, si bien qu'au village de Pleyber-Christ, nous dûmes nous arrêter pour obtenir confirmation que nous étions bien, sur la route qui menait à St Rivoalt, lieu de notre destination.
Ce n'est que lorsque petit à petit, nous quittâmes la plaine, pour gravir la légère pente des monts- D’Arée que je reconnus à la splendeur du paysage, les marques de cette vallée que je découvrais soudain sous un jour nouveau, car je n'avais jamais accédé aux monts- D’Arée par cette vallée (située à proximité de la montagne St Michel.)Il en est de la découverte de certains paysages, comme de la découverte d'une femme que l'on imaginait d'une grande beauté, et dont la vue soudaine, nous surprend néanmoins, car toutes les descriptions qu'on nous en avait faites ; tous les éloges dont on nous avaient rabâchés les oreilles, n'étaient pas en dessous de l'impression majestueuse qu'on en recevait après coup, en la voyant. Je sais que comparer les monts- D’Arée à une femme peut paraître une facilité de langage issue d'une lecture abusive de Proust ; mais en l’occurrence, pour donner à mon sentiment du moment, une force d'expression suffisante, je suis obligé d'en passer par des poncifs d'écriture qui témoignent des mes déformations récentes en ce domaine.
Les monts - D'arée possèdent une beauté surréelle, comme beaucoup de ces grands paysages de Bretagne, où l'espace qu'on y rencontre, défie les lois des sentiments communs. Leur ligne de force et de tempérament, est si éloignée des beautés communes, que pour rendre compte de leur beauté naturelle, il faut chercher ailleurs des comparaisons qui devraient se passer de ces exercices de mise en valeur, qui sont si chères aux sensibilités impressionnistes et romantiques. Pourtant, cédant à la tentation de venir décrire par des images les superbes étendues que recèlent ces monts ; je ne cherche pas uniquement, à verbaliser d'une façon littéraire, mon rapport à la nature ; je voudrais bien au contraire, parvenir à rendre exacte la sensation qu'à produite sur moi, la vue vertigineuse de ces montagnes. Et si je devais comparer ces montagnes à quelque chose d'autre qui ne serait pas forcément l'image que j'en ai donné plus haut, le souvenir abstrait d'une femme dont la beauté m'aurait surpris ; ce serait toujours dans l'intimité des rapports amoureux que se dresserait le rapport que j'en ai ; car je n'ai jamais trouvé rien de plus émouvant, ni de plus juste, ni de plus approprié que le rapport charnel, mais aussi spirituel qui me lie à une femme pour décrire les états physiques d'un paysage, et les sensations spontanées qu'il me renvoie, lorsque mon être s'affronte pour la première fois, à toute la réalité présente de son être ; car il me semble, que l'espace physique d'un paysage, doit s'éprouver de la même façon qu'on fait l'amour avec une femme, et que tous les paysages, appartiennent au déploiement d'un grand corps amoureux, qui est celui que l'esprit antique de la terre, vient nous offrir, à chaque fois, qu'il suscite en nous de grandes et vives émotions.
Ainsi, je pourrais comparer les monts - D’Arée, à l'immensité d'un corps de femme, dont la ligne de sensualité(parc’qu’elle déborde au-delà de l'infini)m'entraîne immédiatement dans un rapport d'extase charnel, à l'espace qui m'entoure ; dans cet espace, la sensation se déplace du plan purement physique au plan spirituel, par l'émotion qu'engendre la vue des étendues extrêmes qui se livrent à mon regard, comme se livrerait sans autre apprêt, une femme aux lignes de corps parfaits, en partie inaccessible, à cause de la dimension disproportionnée et surnaturelle, qu'elle revêt à cet instant. Les forêts, les bois, les vallons et les plaines, sont comparables en ces endroits, à des espaces mystiques qui attirent l'être en des régions jusque là inconnues de la nature humaine. Ces étendues possèdent une dimension tellement surnaturelle, qu'elle nous en font oublier l'espace mental qui nous sert à mesurer nos actes quotidiens ; elles nous rappellent qu'il existe une autre mesure, infiniment plus grande que nous ne l'imaginions, une mesure de temps et d'espace qui confère à notre vision du monde, un souffle inattendu, le souffle vertigineux des mondes originels; lorsque l'homme s'affrontant à la nature, découvrait à travers elle, la source mystérieuse de son inspiration, de ses craintes, mais aussi de toutes les vertus sacrées qui semblaient commander à son destin.
Les monts - D’Arée, comme certains lieux à la demeure sauvage qui existent un peu partout de par le monde, possèdent en eux cette puissance de suggestion qui donne à l'homme, le sentiment d'appartenir à une grandeur égnimatique qui le dépasse infiniment en tout, et par tous les cotés. Mais cette grandeur n'apparaît mieux et dans toute sa magnificence, lorsqu'on est sur les monts qui surplombent les vallées ; lorsqu'on descend dans le creux des replis qui forment les monts et l'intérieur des vallées, on perd aussitôt la sensation vertigineuse que je viens de décrire, et l'on se cogne aussitôt à la désolation mortifiante du paysage aussi ronde qu'un morceau de granit poli par la pluie et les vents.




Mon ami D........... lorsque je le surpris par la fenêtre de la maison de Christina était en pleine ouvrage, il était en train de retravailler les plâtres de la cuisine de cette vieille demeure, qui semblait n'attendre que lui, pour reluire.
Pour dire vrai, le premier visage que je surpris derrière la fenêtre de la maison dont j'étais à peine certain qu'elle soit la bonne ; ce fut le visage de Christina sa compagne, mais cette apparition fût si brève, que j’eus à peine le temps d'en cerner les contours.
Pour atteindre le village ou résidait la demeure en question, il nous fallut suivre un itinéraire compliqué au cœur duquel on avait du mal de distinguer la présence supposée d'un tel village, si petit soit-il ; car le lieu où se trouvait cette maison, était relativement encaissé. En réalité, il s'agissait moins d'un village que d'un hameau. Sept à huit maisons semblaient blotties sous les couverts d'une végétation constituée de grands arbres tortueux, et de marronniers dispersés. Quelques grands sapins encastraient le village au milieu des bois, lui donnant l'air de résister héroïquement à un décor, dont la rudesse assez prompt saisissait d'emblée. Il y avait plusieurs voitures et camionnettes stationnées devant les vieilles maisons, dont certaines laissaient voir, qu'elles avaient déjà subit les outrages du temps.
Le soleil éclatant réchauffait le décor légèrement austère que nous avions sous les yeux. L’impression d'être tombé dans un coin du monde ou la civilisation avait reculé d'un cran ; de la belle arrogance qu'on connaissait d'elle en parcourant les villes de passage ; il ne restait que le sentiment d'une profonde tristesse inscrite au fond du paysage. Nous étions il est vrai en décembre, et la rigueur du climat ajoutait à la sensation de rudesse. Nous aperçûmes en passant une roulotte aux couleurs vives, et une jeune femme aux vêtements chatoyant qui se tenait tout prêt ; il s'agissait de Hélèna, une belle jeune femme originaire de Suède, qui avait habité la vallée des " les Indiens" Je ne l'avais pas assez bien vue, pour la reconnaître ; ce fût Yi qui s'écria en la voyant " Oh ! C'est Hélèna... C'est la jeune amie de Christian, nous l'avons rencontrée dans la vallée des indiens ! " Hélèna et Christian faisaient partie de ces visages amicaux que nous avions croisés lors de notre précédent séjour dans le campement indien des monts - D'Arée, Christian vivait en compagnie d'Hélèna, la trés jeune femme que nous venions d'apercevoir ; que je connaissais assez peu, et dont nous fîmes un peu mieux connaissance les jours suivants.
Hélèna et Christian avaient eut un enfant récemment, et cet enfant une petite fille adorable nous accompagna durant quelques jours (par la force des choses) elle était le plus souvent dans les tendres bras de sa mére, car elle avait à peine un an.























CHAPITRE III






D..... mon vieil ami m’accueillit sur le vestibule de la maison, les bras ouverts largement, et m'embrassa chaleureusement, je lui renvoyai son accolade, et il me fît rentrer immédiatement avec Yi dans la cuisine qu'il était en train de replâtrer en compagnie de sa jeune amie.
D..... était vêtu d'un pantalon de travail bleu, tout taché de tâches de plâtre. A son accoutumé, il portait de longs cheveux châtains, réunis pour l'occasion en une sorte de queue de cheval, derrière la tête ; sur cette dernière, il devait porter un chapeau dont la forme m'échappe ; il portait une petite boucle dorée, sur la lobe gauche de l'oreille. D..... avait une belle carrure effilée, il me sembla être en forme; sa mine était réjouie, il me semblait en bien meilleure santé que les fois précédentes ou je l'avais rencontré; notre dernière rencontre remontait à environ un an et demi. Il suivait un traitement à cause d'ennuis cardiaques qui étaient survenus, il y a environ deux ans de cela ; cela ne l'empêchait pas de fumer continuellement de préférence de petites cigarettes mélangées à de l'herbe qu'il cultivait lui-même. Il avait adopté depuis toujours ce mode particulier d'existence à ce qu'il me semble celui qui lui permettait de s'assurer d'une jouissance dont il ne désirait pas se passer ; fumer de l'herbe 'était devenu pour lui une seconde nature. Son amie Christina que je ne connaissais pas me surpris agréablement ; je me demandais en revoyant mon ami, si je pouvais m'entendre suffisamment avec sa nouvelle compagne pour que notre séjour ne devienne pas source de conflits. Il me semblait en la voyant, que quelque chose en elle ne m'était pas étranger. Elle avait des cheveux bruns bouclés, et son visage me fît penser à celui d'une autre femme que j'avais déjà croisé, ce qui me troubla incidemment, car en découvrant dans les traits d'une nouvelle personne des ressemblances avec une autre, on est toujours sujet à commettre des erreurs de perception et de comportement, on peu croire que l'on connaît la personne, avant même de l'avoir rencontré véritablement. Son visage en réalité me rappelait une jeune femme que j'avais croisée dans le sud de la France, il y avait prés de vingt-ans passé, avec laquelle j'avais eu une brève aventure. Le souvenir que j'en avais, n'étais pas désagréable, mais comme cette rencontre était liée à une partie de ma vie d'errance ; ce furent en partie ces sensations anciennes qui me revinrent à l'esprit lorsque je la revis. Mais je n'eus pas le temps de m’enferrer dans ces anciennes images, car je m'aperçus peu après, en l'observant davantage, qu'elle était exactement vêtue de la même manière que ma dernière grande amoureuse, avant ma rencontre avec Y.. non seulement, elle était vêtue comme elle, mais en plus, elle avait tout son corps et ses manières instinctives de réagir. Cela me saisit de surprise de rencontrer ici Bel Ange (c'était le nom qu'elle portait) sous cette forme, en compagnie de mon ami D.....
Christina avait tout juste la trentaine, le même âge exactement que Bel-Ange, toutefois, elle avait ceci de particulier, c'est qu'elle était la mère de deux enfants ; et cela me surprenait, d'autant que j'avais du mal à imaginer que cette jeune femme à l'air vif et encore adolescent parfois, avait pu par deux fois déjà donner la vie. J'avais du mal à m'imaginer qu'elle était aussi une mère, car son comportement me rappelait trop celui de Bel-Ange, pour que je puisse l'associer à autre chose ; et ce n'est qu'avec un effort d'imagination que je pus entrevoir en observant son regard, un fond de maturité qui faisait place soudain à sa toute grande jeunesse, quand elle parla un cours moment de ses enfants, alors que nous l'interrogions sur ceux ci. Y.. Fût la première à noter cette ressemblance de vive voix, et c'est seulement lorsqu'elle en parla de vive voix que je sus que cette ressemblance n'était pas uniquement fictive, bien qu'elle sautait aux yeux ; j'avais des doutes sur son existence, mais surtout, je craignais en la révélant moi-même de vive voix, que cela ne soit en quelque sorte indécent. Ainsi, je fus soulagé quand Y.. fit cette remarque devant nous tous " Christina ressemble beaucoup à une amie de Jean " Et les choses se déroulèrent, comme si cette ressemblance une fois notée, enregistrée n'avait sommes toute pas plus d'importance que l'orsqu'on dit d'une personne -" Oh, voyez vous, elle a le même air que celle là! "Cette ressemblance d'ailleurs, n'était qu'une des formes hasardeuse de la coïncidence qui font qu'à certains moments plus qu'à d'autres, les choses se ressemblent.
Mon histoire avec Bel Ange était devenue pour moi du domaine du passé. De la revoir incidemment à travers l'amie de D..... Christina, ne me gênais pas, cela me troublais légèrement; c'est comme si je trouvais du plaisir en observant C....... à me rappeler Bel
Ange.
D..... avait rencontré C ....... depuis peu. Sans doute que la version que chacun pouvait produire de cette rencontre était différente selon qu'elle était commentée par D.. et qu'elle s'adressait à moi, ou selon qu'elle était racontée par C ....... à Y. car souvent les commentaires que les gens produisent sur les choses différent de nature, ils différent surtout selon l'angle d'interprétation que chacun fait de sa propre réalité. D..... ma dit qu'il avait rencontré C ....... alors qu'elle était au plus mal, après une rupture, et qu'elle portait en elle un sentiment d'échec, il ma dit qu'il la aidée à surmonter ce sentiment; cela lui était rendu possible, car lui même avait vécu le drame d'une rupture, le divorce, et qu'il commençait par reprendre le dessus à ce moment là. J'ignore qu'elle aurait été la version de C.. sur cette rencontre, je ne doute pas qu'elle ait été différente sur certains points; car j'avais pu constaté qu'entre D ..... et C .......des différences notables de nuances existait, quand à l'interprétation à donner à leur relation. Alors que D..... au début me parlait de celle ci d'une façon qui ne laissait pas deviner de désaccord entre eux, bien que cela ne soit pas formulé, C ....... plus franche et plus spontanée m'avoua sans ambages, que sa relation avec D ..... était parfois difficile, qu'elle avait envisagée il y a peu une séparation. Elle en parla de la même façon à Y.. d'une façon si l'on veut moins idéale et plus pragmatique que celle auquel D ..... avait coutume de se référer, quand il parlait de façon idéale de ses relations avec les femmes.
D..... me confia par la suite, que la relation qu'il avait avec Christina avait connu des hauts et des bas de toutes sortes, et que cela tenait autant à lui qu'à elle, car il refusait au début de s'installer dans une nouvelle relation amoureuse qui l'aurait rendu trop dépendant; c'était d'ailleurs cette position qui prévalait chez lui; il désirait conserver une certaine distance, et une certaine autonomie vis à vis de cette relation, car il ne voulait pas retomber dans une relation trop fusionnelle qui lui aurait rappelé sans doute des états de sa vie passée dans lesquels il n'avait pas envie de retomber.
Je comprenais parfaitement cette façon de tenir à distance leurs rapports, et je le lui dis ; car je pouvais pressentir instinctivement que la meilleure relation qui pouvait exister entre eux, était celle là justement qui pu leur garantir une certaine forme d'autonomie, car je pressentais, que la marge de rapports qui pouvait se créer entre eux, du fait de cette liaison amoureuse qu'ils avaient, était de nature extrêmement fugitive, que leurs vies pourraient s'éloigner trés vite l'une de l'autre, dés lors que chacun serait parvenu à retrouver une forme d'étendue plénière dans sa vie ; lorsqu'ils auraient l'un et l'autre comblés le fossé du vide affectif qui avait suscité en partie leur besoin de rencontre mutuel ; car j'avais, ce pressentiment, que leur rencontre n'avait été que le fruit de deux âmes déchirées, chacune à sa façon, de manières différentes, mais offrant assez de similitudes, pour qu'elles se reconnaissent l'une et l'autre dans la nouvelle relation amoureuse qu'ils s'étaient mis à construire, et qui n'était destinée qu'à les aider à reprendre le goût à la vie.
J e pouvais pressentir, que leur relation durerait ce que dure le temps des passions amoureuses, et que le jour ou confrontés à eux mêmes, ils devraient affronter leur propre désir de vivre ensemble, ils connaîtraient quelques difficultés probables, car leur façon de s'approprier l'espace et de gérer leur vie m'apparaissait à priori trés différente l'une de l'autre.
D..... avait besoin présentement de la vitalité de Christina, Christina avait besoin de la force impérieuse de D .....qui savait s'imposer sur l’espace, lorsqu’il le voulait, pour y bâtir selon ses besoins soit des maisons sur le sable, soit des châteaux forts; il avait la capacité de bousculer les mondes établis pour y créer un nouvel ordre. C....... avait besoin de la force de D ..... pour se rebâtir un univers a elle, car le sien s'était effondré. Elle avait surtout besoin de sa force matérielle et de son savoir-faire, mais aussi besoin de sa persévérance obstinée pour obtenir vis à vis du monde extérieur des choses qu'elle savait ne pas encore pouvoir obtenir par elle-même, avec la même facilité ; comme cette maison dans laquelle elle habitait, et que D..... avait contribué à négocier, avec le propriétaire.
Je n'ai décris ici, la relation sentimentale affective ou passionnelle, comme chacun voudra de mes amis, que pour m'accorder le privilège de décrire de nouveaux paysages. Ici, il s'agissait de montrer un paysage sentimental dressé entre les êtres humains, par le jeu de la vie.


J'aurais aimé trouver une autre façon de parler et de décrire incidemment les moments précieux de ce voyage qui sans doute m’échappèrent parfois, puisque je me trouve à me relire, bien peu peintre des objets extérieurs et des lieux ; je me trouve, pas encore assez
peintre des paysages que j'ai traversé, en compagnie de celle que j'aime. J'ai aussi bien peu parlé d'elle ; mais étais ce l'objet de ce périple (de venir en parler) je n'en suis pas certain. Ce périple nous était nécessaire à l'un comme à l'autre, car dans ce voyage, nous retrouvions en nous même, la marge de fantaisie et d'imprévus, dont notre couple avait besoin, pour se régénérer.
En prenant ces notes de voyage, je reconnaîtrai plus tard, l'imperfection et les manques de perspicacité de mes jugements ; ou simplement mes défauts de transcription narrative. En décidant de prendre à bras le corps la " Raison voyageante du voyageur " la mienne en l’occurrence, et celle de ma compagne, mais seulement pour parties ; je ne voudrais pas faire autre chose qu’œuvre de transcripteur. Mais sachant pourtant cela impossible, je dois par conséquent en m'affrontant au règne de l'écriture, m'affronter à ma propre transcription du monde lisible. J e ne suis certain d'aucun résultat en lecture finale. Je me suis lancé, à l'assaut de ces récits, comme un acrobate qui voulait accomplir une pirouette dans un temps réduit et dans un espace déterminé. Je ne sais pas encore, si j'y réussirai.








CHAPITRE IV







La maison où vivait temporairement D..... et Christina, était une de ces vieilles maisons d'aspect bretonne, construite sans doute pour partie, avec le granit des monts D’Arée. La toiture certainement devait-être couverte d’ardoises légèrement bleutées. Les murs étaient blancs gris salis par le temps, une ancienne grange sur sa partie gauche avait du servir à une autre époque de lieu ou l'on entrepose des machines ou peut-être d'étable pour les animaux. Cette partie de la maison était à moitié en ruine. Les sous-sols bien que vastes étaient encore encombrés de saleté. D..... et Christina m'indiquèrent que lorsqu'ils vinrent y habiter l'espace qui servait de cuisine était encombré de gravats de toutes sortes.
La première impression que j'eus en pénétrant dans cette maison, c'est qu'elle était à demi conquise par nos amis, et que l'empreinte de leur passage n'était pas encore suffisamment forte pour qu'on puisse avoir le sentiment qu'elle leur appartenait. Il faut comprendre qu'ils n'en étaient que locataire, du moins Christina, et que pour désirer s'approprier cette maison, dans l'état ou l'ont trouvée, il fallait plus qu'une bonne dose d'obstination ; il fallait en réalité la reconquérir sur tous les plans, car elle n'avait pas été conçue pour une vie confortable ; il fallait détruire des cloisons, déplacer des éviers mal placés, brosser les murs les plâtrer, les repeindre, colmater auparavant les brèches et les fissures ; et en dernier lieu la meubler avec goût pour la rendre fréquentable. Il me semble que je n'aurais pas eu le courage de m'attaquer à un tel ouvrage.
Je comprenais mieux Christina lorsqu'elle me disait qu'elle avait eut subitement envie de partir de ce lieu, il y a peu, avant qu'il soit aménagé, c'était durant l'été passé. Cette maison appartenait encore pour partie, à l'âme de son ancien propriétaire, les aménagements que D..... était en train d'y effectuer, la casse d'un ancien évier qui prenait trop de place, l'ouverture des cloisons qui rétrécissaient l'espace, la pose d'un circuit d'eau chaude; tout cela n'était pas encore apparu, la maison devait être invivable. Lorsque nous sommes venu pour surprendre nos amis dans leur nid, les travaux d'aménagement n'étaient pas encore tout à fait terminés, mais les choses avaient déjà prit forme, le lieu devenait plus chaleureux. Cette maison s'avérait même spacieuse à l'usage, malgré la difficulté d'y occuper toutes les pièces durant la plus grande partie de l'hiver, à cause du froid.
Elle possédait un rez de chaussée encore remplit de gravats, mais le premier étage que D...... et Christina étaient en train d'aménager commençait par dessiner des formes agréables. Le premier étage comprenait une cuisine double, une chambre doublée d'une autre chambre, avec cheminée et servant de salon, mais aussi de chambre d'enfants ; il y avait un grand couloir qui séparait la cuisine des chambres. Il y avait aussi un second étage auquel on accédait par un escalier ; il y avait à gauche de l'escalier une salle d'eau avec douche et WC ; sur la droite de l'escalier il y avait une chambre sous les toits que Christina réservait comme atelier pour D..... un peu plus loin une autre chambre réservée aux enfants, déjà en partie aménagée, mais assez froide sans doute à cause du gris de la moquette. Cette maison, me rappelait d'autres maisons qu'avait précédemment occupé D..... dans d'autres endroits de la Bretagne, alors qu'il vivait en compagnie de K ...... son ex femme. Elle aurait pu être la réplique exacte des anciennes, si elle avait été entièrement aménagée dans toutes ses parties ; si elle avait été totalement investie, si le temps d'occupation en avait été plus long.
Cette comparaison que j’effectue avec des espaces passés que j'ai connus et qui appartiennent à la vie de mon ami, ne me vient à l'esprit que pour situer dans l'examen des lieux certaines formes de transformations. N'ayant pas connu Christina avant, je ne peu pas effectuer la même chose à son égard ; c'est sans doute dommage, car j'aurais pu comparer leurs anciennes demeures ; voir en quoi cette nouvelle leur ressemblait le plus. Ma suite de comparaisons ne vaut que par induction et elle concerne une des caractéristiques que j'ai pu noté en suivant mon ami D..... depuis plusieurs années en Bretagne. Toutes les demeures qu'il a occupées au fil du temps étaient invariablement des demeures comportant au moins deux étages ; sauf celle de Paimpol qui n'est qu'un célibatorium constitué de deux petites pièces, qui rappelait les toutes premières demeures qu'il avait investit en compagnie de K...... à l'époque ou ils n'avaient pas encore fondé de famille.
Je devrais en conclure que la forme de vie qu'il affectionne se retrouvait dans cette mesure, une femme des enfants une maison comportant au moins deux étages ; c'était sous cette forme que je l'avais entrevu la plupart du temps, sauf durant les toutes premières années de son séjour en Bretagne, et durant les cinq dernières années qui suivirent sa séparation avec K.........
Je conclus que Christina avait en partie les mêmes goûts que lui à ce niveau, et que des ressemblances visibles existaient entre sa vie présente avec Christina et son ancienne vie avec K.. Si j'étais auteur de romans policier, je pourrais poursuivant cette enquête me livrer à de multiples recoupements qui donneraient à ces notes de voyage des allures d'un roman de série noire ; mais tel n'est pas mon but ; en tentant de décrire le lieu présent ou vivait mon ami D ..... et Christina, je voulais seulement tenter de m'approcher au plus prés d'un type de vie choisit incidemment par les gens qui me sont proches et en tentant de m'approcher d'une réalité vécue par eux, je voulais en quelque sorte montrer l'univers dans lequel ils évoluent, d'une façon incidente passagère ou prédestinée. Comme si le lieu que chacun occupe avait aussi une importance au même titre que l'amour que l'on porte aux êtres que l'on aime.
En pénétrant dans la vie des gens, on a vite fait de violer leur intimité, pour peu qu'on se mette à porter sur eux des jugements de toutes sortes ; ou pour peu que l'on se mette à décrire leurs actions ou leur vie avec des préjugés qui nous sont spécifiques. En tentant de décrire l'espace ou vivait mes amis, je voulais surtout tenter de toucher du doigt, la raison pour laquelle ils s'obstinaient à vouloir vivre ici dans un lieu en partie retiré du monde, acceptant une partie d'inconfort et d'isolement qui pouvait m'apparaître du lieu d'ou je venais, pourtant assez explicite pour que je n'aie pas à me poser une telle question, puisque je vivais moi-même sur un lieu sans confort apparent.
Si cette question me vient à l'esprit, c'est sans doute qu'elle porte en soi une interrogation. Par exemple D.. avait il réellement l'envie de venir peindre dans les monts D'Arée?
Je n'en étais pas certains ; j'avais remarqué la chambre qui devait lui servir d'atelier, elle était vide ; une apparence d'occupation commençait par se faire, mais elle n'était pas assez visible pour qu'on pensa sérieusement qu'un peintre s'était installé là. Le désir de Christina sans doute eut été que D..... s'installa ici pour venir y peindre, car elle me présenta cet espace comme étant l'atelier de D .....avec l'espoir qu'il y peigne, mais visiblement D ..... n'y avait encore jamais peint. Il y avait dans cet atelier une déshérence totale, une sorte de climat mortuaire d'abandon et de vide qu'un peintre n'aurait jamais prit à cœur de laisser tel quel s'il avait eut sérieusement envie de peindre.
Toutes les promesses qu'il m'avait faites de se consacrer entièrement à la peinture, toutes ces promesses ne portaient pas encore leur fruit, D..... n'avait pas encore besoin de la peinture comme d'une amante inconditionnelle ou comme d'une maîtresse fatale. La peinture pour lui s'esquivait doucement lentement dans les replis de son imagination, à travers ses rêveries solitaires, à travers le touché des essences et l'odeur des pigments macérés.
D.. avait besoin de rentrer dans la peinture comme on rentre lentement, trés lentement dans une méditation qui avait la dimension de ses rêves et la consistance de ses idéaux.
D..... (à cette époque) imaginait plus la peinture qu'il ne le côtoyait en réalité.
Il ne lui avait jamais consacré l'essentiel, ni la totalité de sa vie ; elle était pour lui une compagne secrète et souvent indisponible, car sa vie avait connu d'autres grandes passions d'autres centres d’intérêts, il avait parcouru et conquis d'autres espaces.
La peinture ne le reprenait qu'incidemment, et pour de courtes périodes, entrecoupées de longues attentes, elle n'était pas encore pour lui la seule passion qui comptait. Son goût pour les travaux manuel le reprenait réguliérement, il en avait besoin, c'était dans sa nature de toucher des choses concrêtes, des choses matérielles palpable.
La peinture revêtait pour lui une sorte de passe temps substantiel qui prenait dans sa vie un temps infini laborieux avant d'éclore.
J'étais étonné quand je regardais ses tableaux de voir le temps formidable qu'il devait passer à les travailler ; j'étais surpris et séduit par certaines de ses compositions qui montraient qu'il aurait pu s'il avait voulu faire de ce travail la peinture, une partie à part entière, sortir des choses admirables. Mais sa production était trop irrégulière pour qu'il puisse faire jaillir des œuvres suffisamment révélatrices pour qu'on puisse le prendre au sérieux comme peintre, on sentait encore trop le travail besogneux et la façon de faire de l'amateur dans son travail pour qu'on puisse l'aborder sans se poser la question de son engagement véritable dans cette direction. Le regard des peintres professionnel sur son travail fussent ils ses amis était parfois sévère. Juste avant de remonter de Paris alors que nous étions encore à Paimpol dans son petit deux pièces qui lui sert aussi d'atelier ; un de ses amis peintre justement s'est montré à la porte de son appartement, il pensait que D ..... était chez lui. Yi s'apprêtaient à le laisser partir car elle ne le connaissait pas ; j'ai réussi à le prendre au vol et nous avons discuté peinture durant plus d'une demi-heure. Il finit par me dire, alors que je lui montrais trois beaux tableaux bleus qu'avait peint. - D.. ne travail pas assez! - Cette assertion brutale qui sonnait comme un reproche dans sa bouche, j'aurais pu la faire aussi bien que lui ; mais cela me gênais de la formuler d'une façon aussi nette, bien que cela sautait aux yeux de n'importe quel observateur avisé, que le défaut de D.. comme peintre était de toute évidence son grand dilettantisme; avec la nuance de mépris péjoratif qu'implique cette remarque dans la bouche d'un peintre professionnel D ..... le savait il? Je crois naturellement qu'il connaissait ses propres failles, mais comme tout un chacun, il avait tendance à les minimiser. Le regard qu'il portait sur cet ami peintre comportait d'ailleurs une distinction péjorative - Il travail comme un dessinateur industriel, au trait d'une façon hyperprécise, c'est d'ailleurs un ancien dessinateur industriel-
Je ne connaissais pas l'état de leurs rapports présents, mais il me semble que malgré toute l'amitié que D..... pouvait avoir pour cet ami, il semblait qu'il y ait entre eux, une sorte de zone de dysfonctionnement ténébreux, comme si ce peintre qui connaissait trop bien D.......avait du mal de reconnaître en lui le peintre qu'il aurait aimé apparaître à ses yeux; et comme si D......par contre coup, s'arrangeait pour amoindrir ou dévaloriser la part purement technique ou professionnelle du peintre dont il est question; en lui faisant le reproche de manquer de force d'inspiration, et de ne faire confiance qu'à la part instrumentale de la création. Pourtant, je sentais que D.. avait de l'admiration pour le travail de ce peintre. Nous devions justement passer le voir dans les monts D’Arée car ce dernier avait réussit à échanger quelques-unes unes de ces toiles contre une maison située à proximité de celle de Christina.
C'est pourquoi quand je le vis, je fus étonné de le voir prendre des nouvelles de D...... à Paimpol, je pensais que leurs rapports dans les monts D'Arrée étaient plus proches. D..... tirer un grand bénéfice de la présence à proximité de son domicile dans les monts D’Arée d'un peintre aussi régulier, il aurait pu lui servir d'entraîneur X.....façon de parler; mais leur personnalité et leur façon de travailler étaient sans doute incompatibles.



































CHAPITRE V






On le voit à la façon dont fonctionnent ces récits, il me serait facile d'écrire des romans, un roman sur D.... par exemple, un roman dont celui ci serait le centre d'observation privilégié.
Mais la création romanesque étant un art à part entière, la simple écriture de ces récits que j'utilise comme aide mémoire (un des moyens d'exercer mon habileté dans l'art du récit) m’indique combien de disponibilité requiert cette démarche. Et déjà, je me vois (alors que je cherche à en limiter la portée) prit dans le déferlement d'un fleuve d'écriture qui surgit à l'énoncé de ces récits.
Quelle n'est pas ma naïveté de croire qu'en m'avançant dans la texture de ceux ci, je pourrais échapper à l'aspiration verticale des énergies qu'ils produisent. Pour échapper au fleuve de la prose, il me faut revenir incessamment articuler les scènes particulières de ces récits, pour tenter de les abréger et pour tenter de les finir au plus tôt, à seule fin de pouvoir revenir me consacrer à l'exercice de la peinture ; à ces toiles qui m'attendent depuis quelques semaines suspendues dans mon dos ; à ces visions qui m'attendent, comme si la pratique de ces récits en freinait soudain l'avancée et la réalisation. Difficile partage entre les états de l'écriture, et les états de la peinture ; pari difficile à tenir que d'entretenir deux maîtresses à la fois, de venir à l'une sans que l'autre en souffre, de se consacrer à l'autre, sans délaisser celle là.



























CHAPITRE VI




Lorsque je réfléchissais ; le sens de mon interrogation initiale sur D..... avait sommes toute peu d’intérêt; lorsque je me questionnais sur le pourquoi de sa venue dans les monts D'Arrée, j'aurais du me souvenir que de nombreuses années auparavant, il m'avait parlé de cette partie mythique de la Bretagne; il m'avait dit alors, qu'il espérait vivre un jour dans cette contrée su profondément attirante pour lui. Aujourd'hui, qu'il réalisait ce souhait, je n'allais pas le chicaner sur la façon qu'il se prenait pour le réaliser.
Peu importait finalement qu'il peigne ou ne peigne pas à la hauteur de ce qu'un peintre officiellement considéré comme tel pouvait produire ; je le connaissais trop, pour ne pas deviner que derrière le motif de la peinture, se tenaient d'autres motifs entrelacés ; d'autres motifs subtils qui m'échappaient sans doute, et qu'il ne m'intéressait que fort peu de mettre à jour, car en dernier lieu, ce qui importait, c'était qu'il ait réaliser son souhait ; vivre dans les monts D'Arrée
Ce qui importait entre toutes choses, c'était l'aventure humaine qu'il vivait ; c'était la forme incessamment aventureuse de sa vie qui le poussait à renaître à chaque fois, dans une nouvelle peau, après avoir subit certaines défaites qui l'obligeaient à repartir de zéro pour rebâtir une nouvelle vie.
Les monts D'Arrée n'étaient pas d'ailleurs cette zone franche qu'on pourrait s'imaginer en parcourant leur vaste étendue sauvage.
- Nous sommes cernés par l'armée ! - Me dit D..... alors que nous nous promenions sur les crêtes qui dominent la vallée; dans son vieux Mercedes qui avait plus de vingt ans d'âge, il semblait dominer doublement les montagnes, et devant l'immense pare brise de sa camionnette, il semblait plus à l'aise que devant ses tableaux; car il pouvait contempler directement toute la grandeur du paysage, se donnant l'impression sans doute de la dominer toute entière; car dans ces instants, il faisait corps avec la réalité d'une façon souveraine.
Il me montrait les vastes étendues désertiques qui entouraient un grand lac que l'on voyait du haut de la route, sur laquelle nous étions, et me dit - Toutes ces étendues désormais sentent la mort, depuis qu'ils ont abandonné leur centrale nucléaire, tout ce qui touche les abords du lac que tu vois ; toutes ces étendues de végétation sont mortes depuis dix ans; depuis qu'ils ont planté leur sacré nucléaire dans cette zone des monts D'Arrée - .
Il me dit qu'un peu plus loin une autre centrale était en activité, et plus tard, lorsque nous redescendions de nuit vers la maison de Christina, il nous fit voir à moi et à Y.. une profusion de lumières qui s'étalaient à l'horizon, comme si nous nous trouvions à proximité d'une grande ville. - Toutes ces lumières c'est encore l'armée ! C'est un camp militaire que vous voyez là bas ; la première fois que je les aie vues ces lumières ; j'ai cru rêver; c'est comme si nous étions cernés par l'armée-
Il nous dit cela avec une certaine jubilation, avec une vindicte humoristique qui lui était coutumière lorsqu'il s'adressait à la partie civilisatrice du monde.
D.. avait été toute sa vie un irréductible opposant à toutes les formes de vie institutionnelles qu'il détestait d'une façon régulière, comme si il avait vu en elles à chaque fois qu'il les trouvaient sur son chemin, le visage d'un ennemi personnel. D..... était demeuré toujours égal à lui même sur ce plan; il possédait une grandeur réelle dans ses convictions, qui le rendait redoutable. Ce que j'avais toujours le plus admiré en lui, c'était l'incarnation physique et morale d'une force rebelle qui lui était inhérente. Il pouvait de ce fait se rendre odieux pour ses semblables, car dans cette obstination forcenée qu'il avait de se tenir ; se tenait sa beauté, sa force, sa grandeur, mais aussi tout son aveuglement.
Le rebelle pouvait s'ériger en ennemi implacable de ses propres amis, si certains de leurs intérêts déservaient les siens ; c'était le revers de sa grandeur ; c'est pourquoi, Je me méfiais de certaines de ses réactions " à l'emporte pièce " à l'époque ou partageant ensemble les mêmes centres d’intérêts, nous étions plongés l'un et l'autre dans les mêmes zones d'action ; cela ne m'empêchait pas d'admirer chez lui la capacité qu'il avait à investir l'espace pour y poser sa marque ; il savait agir et s'imposer comme un animateur hors paire ; lorsqu'on mettait des obstacles sur sa route, il pouvait devenir un grand fauve. Avant d'être ce qu'il était devenu aujourd'hui, un vieux sage usé, D.. avait été en d'autres périodes un grand organisateur, un grand brasseur d'énergies, et c'était de l'avoir connu ainsi qui l'avait rendu fascinant à une certaine époque. J'avais puisé à son contact les éléments d'un enseignement sur l'art de rassembler qui m'avaient beaucoup été utiles l'orsqu'il advint qu'à mon tour je du par un effet du destin tenir les rênes de la force que créent les hommes lorsqu'ils sont rassemblés en un tout.


























CHAPITRE VII






Pour ne pas m'épuiser dans le long travers de ces récits ; je me propose de revenir à l'esquisse d'un portrait que je m'étais proposé de dessiner ou du moins d'esquisser ; c'était celui de Héléna, cette jeune femme suédoise qui vivait avec son enfant et Christian son ami dans une roulotte aux couleurs vives, à proximité de la maison ou habitait D...... et Christina ; cela me permettra de parler d'un des aspects de notre voyage dans les monts D'Arrée, qui est pour le moment éclipsé ; c'est celui de notre rencontre avec les restes de la tribu indienne que nous avions rencontré, il y a déjà de ça quelques années, et que j'aimerais montrer, car elle fait partie d'un des aspects les plus intéressant de ce voyage que nous avons effectué à la vitesse grand V dans ces montagnes de la Bretagne profonde.




Hélèna était une jeune femme d'une vingtaine d'années, aux cheveux châtains, à la fine silhouette, au regard franc et ouvert. Je la connaissais assez peu à vrai dire, car je ne l'avais côtoyée que très peu lors de mes précédents séjours dans la vallée ou résidaient " Les Indiens" elle vivait à cette époque déjà avec Christian, un des membres de la tribu indianiste qui avait contribué à édifier les premières basses de cette tribu constituée pour l'essentiel de nomades amateurs de vie saine et de grands espaces.
J'étais étonné que cette jeune femme ait choisit cette vie avec autant de détermination et de naturel, comme si pour elle, elle n'en concevait pas d'autre, comme si pour elle, cette façon de vivre était la seule qui avait grâce à ses yeux. J'étais étonné d'une façon générale lorsque je voyais vivre "Les Indiens" comme ont les appelaient ; tout en me sentant une affinité avec eux, il ne me semblait pas que leur façon de vivre constitua mon idéal de vie.
Je les côtoyais avec d'autant plus d'étonnement, que leur univers se démarquait du mien. Nous n'étions pourtant pas si éloigné dans nos façons de vivre, puique une grande partie de ma vie d'artiste m'avait amenée à fréquenter des lieux situés toujours dans une partie du monde qui ressemblait pour beaucoup à celle qu'ils s'étaient construits.
J'avais la plupart du temps vécu mes années passées à Paris comme tout un chacun ; mais j'avais en sus côtoyés ces zones franches que constituaient les lieux squattés à l'intérieur de la capitale, et dans certaines de celles ci, l'univers parallèle qui si déroulait ressemblait en grande partie à l'univers parallèle dans lequel vivaient les Indiens.
Je vivais d'ailleurs depuis maintenant prés de sep ans sur une zone franche qui s'apparentait par certains côtés à la vallée qu'avaient dénichés les Indiens pour y construire leur lieu de vie.
Malgré toutes ces ressemblances entre nous, il existait pourtant un large fossé entre la façon de vivre de ceux ci, et la mienne ; c'était sans doute pourquoi d'ailleurs j'étais si attiré par eux. Ils représentaient pour moi, une énigme à leur façon. Et lorsque je revenais les voir de temps en temps dans les monts D'arrée ; c'était pour je ne sais quelle amitié qui me liait à eux.






Peut être qu'il me faudrait remonter loin dans ma vie, pour faire surgir dans ma mémoire l'empreinte ancienne qui me relie à ces aventuriers à rebours que sont à leur façon ces nomades de l'extrême, ces puristes, ou ces rebelles en révolte contre la société du confort préfabriqué qui se dresse devant eux et à laquelle il refuse d'accéder en payant le prix. Leur liberté telle qu'il la conçoive n'a jamais pu s'accoutumer à l'ordre des choses existantes ; c'est pourquoi ils ont tourné le dos à la civilisation existante pour chercher dans d'autres directions les enseignements de la sagesse à laquelle ils aspiraient.
Qu'ils y aient mit tant de persévérance et d'obstination, et sans doute ce qui ma le plus frappé ; car cette sagesse qu'ils recherchaient peut être au départ, comme on recherche une terre idéale ; l'on t'il jamais trouvée ? En marchant dans le pas des indiens, ils ont trouvés les sources d'inspiration qui leur ont permis de régénérer une partie de leur âme qui s'était perdue à trop contempler les visions apocalyptiques des terres civilisées à la mode occidentale. S'ils ont creusé un tel sillon à l'intérieur d'eux même pour inscrire cette façon de vivre qui est la leur à présent, c'est qu'ils ont découvert sans doute une sorte de grande satisfaction à vivre comme ils l'entendent, et s'ils persévèrent dans cette manière de vivre, c'est que celle ci constitue celle qu'ils ont toujours rêvés d'établir pour eux mêmes. En vivant comme ils vivent, ils ont rejoins à leur façon une forme idéale de vie ; quels sont les gens qui peuvent en dire autant ?
Pour certains, leur idéal de vie s'arrête à ce qu'on leur a enseigné la vie durant ; pour d'autres, l'idéal de vie n'a jamais existé et n'existera jamais ; ce qui fonde leur vie, c'est la lutte implacable pour la survie ; pour d'autres encore, l'idéal de leur vie s'accommode de tous les accommodements dont une vie bien réglée peu s'accommoder ; pour d'autres l'idéal de vie se calque sur l'idéal de vie de la société qui a cours ; pour nous tous, qui vivons l'idéal de vie qui est nôtre, lequel pourrions nous désigner qui soit suffisamment sur pour en faire un combat ?
Peu d'entre nous sommes capables de s'efforcer de vivre selon les règles d'un idéal.
Ce qui compte pour ma part en dernier lieu, c'est en cela la plus grande satisfaction que l'on en peu retirer ; c'est de vivre en harmonie avec soi même. Et c'est finalement à cause de cette tentative qu'entreprenaient mes amis les indiens de vivre en harmonie avec eux même, que je les respectais et que je les aimais ; même si cette tentative recelait un nombre de difficultés sans pareil, comme toute entreprises qui vont à contre-courant de celui d'une façon de penser générale et d'une manière de vivre admise comme étant la meilleure une fois pour toute.






A écrire ces lignes, je m'aperçois que je n'ai pas totalement abandonné la vieille leçon de savoir-vivre personnelle que prônait une de mes anciennes grandes passions de l'époque de mes vingt ans, Henry Miller. Je ne sais si je dois m'en attrister ou m'en féliciter, ni l'un ni l'autre sans doute.
On revient toujours à ses vieilles amours, et Miller qui prônait une liberté totale n'aurait sans doute pas désavoué la folle entreprise de toute cette génération nouvelle qui cherchait comme à l'accoutumé à percer le cœur des étoiles, pour y lire la destinée du monde.
Il m'apparaît mieux à présent, que c'est à la jeunesse seulement que s'adressait Miller en écrivant ses livres ; car seule la jeunesse est assez folle pour s'engager dans des sentiers battus et rebattus mille et mille fois par les hommes ; avec un cœur tout neuf qui donne le sentiment que l'on est le premier une fois pour toute à découvrir le monde. Seule la jeunesse qui a le cœur intact et la capacité phénoménale de rêver sa vie comme de la vivre, pourrait avoir le désir d'entreprendre un tel voyage ; un voyage tel que les indiens de la nouvelle génération l'ont poursuivit. C'est à cause de leur jeunesse d'esprit qu'ils ont pu l'entreprendre ; un vieil homme fatigué et repu ne l'aurait pas entreprit ; encore moins un homme qui se serait cru arrivé au faîte de sa vie d'homme civilisé ; seules les énergies folles de la jeunesse pouvaient avoir à cœur d'entreprendre un tel voyage qui menait au cœur du monde ; au cœur "de la terre sacrée" elle des indiens, mais aussi de toutes ces peuplades disparues, pour qui la vie des hommes ne pouvait être dissociée de celle de l'univers.
En tentant de remonter à la source de ces énergies naturelles qui sont en œuvres dans l'univers, certains indianistes ont effectué le grand voyage initiatique qui mène à la découverte de soi, et qui mène de soi à la découverte de l'autre ; leur tentative pour reconquérir les territoires perdus de l'âme humaine, est une tentative de reconquête de la dignité humaine ; c'est ainsi que derrière l'apparence folklorique ou archaïque de leur démarche, je pourrais lire le chemin que parcouraient mes amis indiens.









Hélèna était une des plus belle et une des plus pure figure de cette nouvelle génération qui avait décidé de renouer avec la beauté naturelle des choses.
Lorsqu'elle parlait d'elle-même, et lorsqu'elle ^parlait à son enfant, on sentait qu'elle avait trouvé la source d'équilibre qui menait à la reconnaissance de soi même.
Elle était très jeune de mon point de vue, car j'approchais d'un âge que j'ose à peine nommer. Mais il y avait en elle, une sorte de maturité qui la rendait sensible à l'univers des adultes, tout en étant profondément éloigné de leur forme de raisonnement qui est souvent figée et sentencieuse. Elle possédait les qualités de la jeunesse qui font souvent défaut aux adultes ; la fraîcheur et la fluidité de perception ; elle avait pourtant cette gravité et cette intelligence qui sont en partie l'apanage des adultes. Elle possédait des vues sur la nature des choses qui n'étaient pas celles que j'aurais pu en avoir, si j'avais vécu dans les mêmes conditions qu'elle, dans une petite roulotte décorée avec amour et aménagée d'une façon extraordinairement belle et simple.
Elle trouvait plus sain de se baigner dans l'eau fraîche des ruisseaux, que de prendre des douches chaudes dans un appartement confortable, elle préférait laver des couches en coton pour sa petite fille, que d'acheter des couches toutes faites, car elles absorbaient tellement, qu'elle se demandait comment cela était possible ; il devait avoir selon elle quelque produit chimique à l'intérieur qui lui rendait ces couches suspectes. Elle préférait laver les couches elle-même, car elle trouvait cela naturel, comme elle trouvait naturel de s'occuper de sa petite fille, qui avait l'air de respirer la santé. En parlant d'Hélèna, je ne voudrais pas faire de l'angélisme, je m'efforce simplement de la montrer telle qu'elle est dans son cadre de vie naturel.
Elle vivait prés de la maison de Christina, dans un pré ensoleillé et verdoyant, pendant une grande partie de la journée ; pendant une grande partie de la journée elle devait s'occuper de son enfant tout en voguant à ses occupations. L'intérieur de la roulotte ou Hélèna et son ami Christian habitaient était un lieu relativement agréable à vivre ; une partie de la roulotte se dépliait comme un accordéon, ce qui permettait de gagner de l'espace, quand on était à l'arrêt, et qu'on vivait à l'intérieur. Hélèna et Christian avaient construit eux même leur roulotte, et quand je lui dis que de moi-même je serais bien incapable de réaliser une telle chose ; elle me dit, comme pour m'en démontrer la simplicité - Oh ! Au départ, je ne savais pas non plus, mais c'est très simple, on apprend très vite avec des amis qui connaissent- Elle nous parla lorsque nous étions avec Y. allé voir de plus prés jusque chez elle, de ses chevaux qui étaient un peu plus loin dans un parc. Lorsque je lui demandai combien de chevaux ils utilisaient pour se déplacer, elle me dit- nous n'utilisons que la jument, car l'étalon est trop fier, trop macho pour tirer ; il considère qu'il est seulement apte à couvrir les femmelles, il est superbe ! -
Nous sommes allés voir les chevaux avec Y. qui avait prit la fille d'Hélèna dans ses bras, et qui par la même occasion testait si j'étais capable de tenir moi aussi un enfant dans mes bras plus de quelques minutes.
Les chevaux étaient de superbes chevaux de trait, aux larges cuisses, aux crinières volantes, aux flancs énormes de couleur noisette ; l'étalon était il est vrai une beauté de la nature, un concentré de puissance d'énergie et d'élégance sans pareil. Sa beauté égalait sa force, sa crinière au vent, sa carrure, sa masse racée, tout exhalait la fierté, il était admirable, et il le savait. Quand à la petite fille d'Hélèna " Yuna " elle était plus lourde que je ne pensais ; mais je n'avais pas utilisé le drap enroulé autour du coup et du torse, avec lequel elle portait son enfant; c'était y. qui l'avait gardé autour du cou; je lui présentai l'enfant en lui disant - Un enfant ce n'est pas un problème pour moi!-
Je lui avais dit cela pour lui montrer que s'il s'en présentait un je pourrais l'accepter ; y. avait besoin de tester ses résolutions sur ce plan autant que les miennes.
N'ayant jamais eu d'enfant, je pouvais bien envisager l'idée d'en avoir un ; tout en sachant que si cela se présentait ; ce serait toute ma vie qui en serait transformée ; et surtout mon cher travail d'artiste ; car le temps qu'on donne à un enfant ; on ne peu le donner à la création. Mais cela je le savais, et de toute façon avec y. nous avions décidé de nous en remettre au destin en ce qui concerne la venue d'un enfant. S'il en venait un, nous l'accueillerions avec joie, et aussi avec une certaine anxiété, car matériellement notre vie était peu sûre ; s'il n'en venait pas, nous saurions nous contenter de nos propres aimances. Il restait peu de temps au destin il est vrai pour venir nous frapper.




















NOTES:
Ai acheté aujourd'hui une série de petits livres à dix francs(le banquet de Platon, le chef d'œuvre inconnu de Balzac, Ernestine ou la naissance de l'amour de Sthendal, premier amour de Tourgueniev, quatre contres de Flaubert)J'ai aperçu un livre trop cher malheureusement sur Gaugain, par un auteur anglais, intitulé - Les vies de Gaugain - Ce livre m'intéressait, car en le consultant, je me suis aperçu qu'il tentait de donner de Gaugain une vision qui n'est pas entièrement collée à la légende qui lui est attachée ; en intitulant ce livre les vies de Gaugain, l'auteur ne parlait pas seulement du peintre ; mais aussi du journaliste et de l'écrivain qu'était Gaugain ; c'est cette partie de la vie cachée de G.. qui m'intéressait.




















CHAPITRE VIII






Ceux qu'on appelait "les Indiens" je les avais rencontrés il y a de cela deux ou trois années déjà. C'était toujours par l'intermédiaire de D.... que j'avais fais ces rencontres. Avant même que de les rencontrer, je savais qu'ils existaient, car D..... me tenait au courant de toutes ses pérégrinations à travers la Bretagne, par le biais d'une abondante correspondance qui me relatait non seulement ses faits et gestes, ses difficultés du moment, ses amours, ses amitiés; ses multiples déboires de santé, mais aussi il lui arrivait fréquemment de dresser dans ces lettres qu'il m'envoyait, le décor des rencontres qui s'opéraient dans ces territoires mouvants qu'il traversait.
D..... .avait tissé un réseau d'amitiés sur la Bretagne qui recoupait toutes sortes d'individus, mais principalement des gens qu'on pourrait appeler des marginaux, si le terme n'était pas péjoratif. En réalité D..... dans son périple breton avait croisé aussi bien des notables que des pêcheurs, des poètes, des exilés, et des écrivains, des peintres, que des gens de cirque, des artistes bohémiens saltimbanques et comédiens. La Bretagne était une terre si accueillante, qu'il semblait qu'elle pouvait contenir tout ce que l'univers contenait d'expatriés, de fous d'illuminés ; car elle avait cette vocation d'être une terre d'asile, pour toutes les âmes en quête de lumière. Les artistes souvent avaient trouvé refuge dans ses terres, pour venir s'y ressourcer, ou pour venir y chercher l'inspiration. Elle était un pays à part en France, c'est du moins ainsi que je pouvais la percevoir vue de l'extérieur, après plus de dix années de pérégrination en ses différents lieux. J’étais venu moi-même vers elle pour y puiser une certaine forme de grandeur que je ne trouvais dans nul autres paysages.
Qu'on ne s'étonne pas qu'une âme aussi forte et bien trempée que celle de Gaugain soit venue un jour se mélanger à celle des paysages de la Bretagne ? Cette terre à la fois douce et austère, violente et rassurante, possède en son fond une étrange beauté qui attire irrésistiblement toutes les âmes qui aspirent à la sincérité avec elles même ; la Bretagne à cette faculté de réveiller en l'homme les parties cachées de lui-même, celles qui sont suspendues entre les os et le crâne et qui forment le corps ancestral des rêveries solitaires que les poètes ont toujours recherché en vain dans le grand flux cosmique de leur imaginaire. Ici la terre, les sols, leurs ouvrent toute grande la porte propice à la rêverie féconde, car les lieux en cette terre sont baignés par la magie première qui insuffle aux hommes la part de folie singulière, celle qui est nécessaires aux poètes pour faire alliance avec le monde esprits.
Les fous de Pont-Aven n'étaient ils pas semblable d'ailleurs à ces mêmes jeunes gens fous que l'on croise d'une façon régulière en ces lieux perdus de la Bretagne, sous des tippies de toile construits de leurs propres mains, ou dans ces roulottes aux couleurs vives qui traversent de temps en temps les campagnes humides et austères que ces contrées recèlent. C'est Gide ce fils de bourgeois en cavale qui raconte dans ses mémoires* le choc que lui causa la vue de Gaugain marchant pieds nus, un jour qu'il fit par le plus grand des hasards connaissance avec ces terres, et avec ceux qu'à l'époque on devait prendre pour des marginaux de la pire espèce. Les artistes fous dont Gaugain faisait partie qui gravitaient dans ces zones, devaient ressembler à ces jeunes gens fous qui marchent pieds nus eux aussi sur la terre sacrée d'Armor, à la recherche du paradis perdu.
Les conquérants de la folie ordinaire que sont les poètes sont peut être à leur façon le dernier maillon d'une certaine folie créatrice qui tente de régénérer l'âme obscurcie de nos sociétés civilisées baignées par la froide lueur des lampes artificielles produite par l'éclairage rasant des médias, ou des light show ; cette société unidimensionnelle qui s'avance déjà jusqu'au cœur de nos rêves, semble les faire vaciller dans qu'on sache jusqu'où elle peut aller dans cet exercice de tangage; c'est pourquoi en désespoir de cause, l'homme toujours avide de vérité va rechercher sa vie sous l'abîme vertical du temps pensant y trouver de plus impeccables sagesses; car il demeure sur sa faim après avoir goûter à celles qu'on lui proposent .
Mais je ne suis pas venu ici pour déverser à profusion des images de nos troubles ; je suis venu pour me rappeler les images d'un voyage qui s'éternise un peu trop vite soudain, dans le repli des saveurs poétiques que suscitent en moi l'évocation des souvenirs liés à ce pays aux contrastes magnifiques et aux contours qui me paraissent toujours pourtant aussi égnimatiques.









La toute première fois que j'étais descendu dans la vallée indienne, j'en avais reçu le choc exotique que l'on peu recevoir quand on pénètre soudain au cœur d'un univers qui semble sorti d'une scène de western.
Il fallait laisser les voitures en haut d'une route qui s'égarait sur le sommet d'une crête ravagée par le vent et le soleil ou les pluies selon les saisons.
On ne voyait rien d'autre de ces hauteurs que de vastes galbes de végétation, entrecoupés de rochers aux formes impériales. Il fallait marcher durant une vingtaine de minutes avant d'accéder à la vallée ou demeurait la tribu (c'est ainsi qu'on pouvait l'appeler encore à cette époque) Et puis nous débouchions soudain sur une espèce de clairière ou s'alignaient dans une harmonie presque parfaite tant elle était imprévue sept à huit tippies de toile blanche écrue.


Il serait trop long de raconter dans le détail toutes les péripéties de ce campement dont je ne connaissais de la vie et de l'histoire qu'une infime partie.
Le lieu avait considérablement évolué en trois ou quatre ans d'existence ; car lorsque je suis repassé une seconde fois dans la vallée accompagné de y. à un an d'intervalle, des modifications dans la composition des places qu'occupaient les divers habitants indiquaient qu'entre eux, des différences notables de fonctionnement avaient eut lieu.
Lors de mon premier séjour, le campement semblait obéir à des règles de vie communautaires assez serrées ; le grand tippie communautaire qui était planté au centre du campement servait de centre de gravité. Les habitants s'y retrouvaient à des heures précises pour prendre leur repas, lire discuter se détendre, ou pour y prendre les décisions destinées à faire évoluer le campement.
Les indiens modernes ne chassant plus le bison, ils devaient se faire éleveur et agriculteurs pour vivre en autarcie sur le lieu. Le campement disposait de nombreux chevaux, par la suite, les habitants avaient eut des cochons, une vache, des moutons, des coqs, des poulets, des chiens et un chat, que j'ai aperçu récemment dans la maison de bois que Gilles un des habitants avait construite aidée de Michèle sa compagne. Mais sans doute encore plus de choses que j'ignore. Une des activités régénératrice et rituelle du lieu, c'était ce que les indiens d'Amérique appellent la sweet-lodge, qui était en fait une hutte de sudation. Cette dernière était constituée de branches d'arbres entrecroisés en forme de dôme, entre lesquelles on entrelaçait des feuillages, ou dans certains cas une grosse bâche, pour fermer hermétiquement l'espace.
La première fois que j'ai été initié à la sweet -lodge, c'était par Jacques un des indianistes du groupe les plus passionné et dont le style de vie tendait à une sorte de pureté naturelle, que les indiens eux mêmes n'auraient sans doute pas désavoués s'ils l'avaient rencontré.
Jacques avait l'agilité la souplesse et la ferme conviction des indiens ; il était aussi un nomade acquérit doublé d'un artiste, il voyageait la plupart du temps quand il ne plantait pas son tippie dans une roulotte qu'il avait construite lui-même. Il voyageait en compagnie de sa femme véronique et de leurs deux enfants nés je suppose entre deux voyages.
Je ne vais pas aller en m'étendant toutefois, et évoquer toutes les images du passé ; car si je devais inscrire dans ce récit toutes les rencontres que j'ai faites précédemment ; si je devais décrire toutes les émotions et les personnes ; ma courte escapade en pays celte s'enflerait considérablement, et il me prendrait plus de temps à conter que la simple écriture d'un récit ; un roman sans doute pourrait s'y employer, mais je n'étais pas parti dans le but d'écrire un roman.
En tentant de situer une partie essentielle de la vie des indiens, je ne fais qu'esquisser rapidement toute une folle histoire qui mériterait sans doute qu'on lui consacre davantage que de simples phrases mises les une au bout des autres pour tenter d'expliquer d'une façon rapide, la vie de ces étranges aventuriers.
Jacques l'Indien m'avait initié à la sweet-lodge, j'en avais retiré une sensation extraordinaire de bien être ; si bien que lorsque je fus de retour sur la région de Paris, j'en construisis par deux fois, à seule fin de pouvoir en apprécier à nouveau les agréables bienfaits.
Pour construire une sweet-lodge, je l'ai montré plus haut, il faut utiliser un certain nombre de matériaux naturels de préférence ; ensuite, il faut trouver du bois, faire un grand feu, repérer des pierres qui seront suffisamment résistantes au feu ; les placer au centre du foyer, et attendre qu'elles rougissent. Le moment venu, ces pierres vont servir à provoquer la vapeur chaude qui jaillira de celles ci, lorsqu'on y projettera de l'eau que l'on jettera en plus ou moins grande quantité. Auparavant on l'aura peut-être compris, il faudra s'être déshabillé et accroupis, nus dans l'intérieur de la hutte ; alors on pourra progressivement goûter à la forme particulière de cette sensation que produit les effluves chauds de la vapeur ; sensation agréable pour le corps, qui va se transformer progressivement en une véritable initiation physique à la capacité de résistance que requiert la montée progressive de la vapeur de plus en plus chaude ; car au fur et à mesure que le jeteur d'eau jette l'eau sur les pierres rougissantes, la température ambiante sous la hutte devient de plus en plus élevée.
C'est seulement en m'aidant par le chant, et par le battement des mains que j'ai pu résister à la montée violente de la vapeur. Le bien être qui en résulte n'est pas à situer dans ces instants ou le corps lutte pour résister à la chaleur ; dans ces instants (le plaisir de résister peut faire partie d'une joie que les guerriers indiens savaient peut-être domestiquer). Pour mon compte tout le plaisir physique que j'ai ressentis, je l'ai ressentis au contact du bain glacé qui suit le passage dans la sweet-lodge, surtout lorsque cette divine baignade s'effectue dans l'eau glacée d'un ruisseau. Le contact avec l'eau glacé, est ressenti comme un beaume, qui apaise et détend, comme si le corps après avoir été torturé par la chaleur intense, ne sentait pas la froideur glaciale de l'eau, mais uniquement sa fraîcheur apaisante.
C'est dans la détente du corps et de l'esprit qui suit que s'apprécie en vérité cette forme de grande thérapie par l'eau et par le feu. La sweet-lodge chez les indiens d'Amérique du nord possédait un sens d'initiation particulier ; je ne sais plus qui ma dit peut-être Jacques, que ces sweet-lodges étaient utilisées lors de cérémonies qui comportaient des règles précises chez les indiens, aussi précises que celles d'un rituel antique, et que certaines huttes n'étaient réalisées qu'en des circonstances données; avant un combat, ou avant de prendre des décisions qui engageaient le sort de la tribu toute entière.
Les indiens des monts d'Arrée pratiquaient régulièrement la sweet-lodge. En choisissant particulièrement les périodes de soltices, d'équinoxe ou de pleine lune selon un rituel qui leur était propre.
Si j'ai parlé de cette sweet-lodge avec autant d'insistance, c'est qu'elle constituait pour ceux ci, un mode collectif de régènération, mais peut-être aussi de régulation des énergies collectives.
Elle était construite un peu à l'écart du campement, tout prés du ruisseau qui circulait au centre de la vallée qu'ils avaient acheté.
Les sweets-lodges étaient aussi l'occasion pour la communauté de rassembler tous les sympathisants du lieu, et d'initier comme Jacques l'avait fait avec moi, tous ceux qui le désiraient à cette forme de communion avec les éléments physiques de la nature.
























CHAPITRE IX











Lorsque nous sommes redescendu avec Y. D..... Christina, Hélèna et Yuna la petite fille, dans la vallée indienne, nous fîmes la rencontre d'une nouvelle génération de jeunes gens qui vivaient à présent sur le campement, du moins ce qui restait de celui ci. Nous étions en décembre, le soleil était encore de la partie ce jour là, sur la crête ou généralement nous arrêtions les voitures, un beau cheval de trait tirait une charrette, peut-être la même charrette que j'avais déjà vue lorsque j'étais venu ici la première fois ; un garçon aux longs cheveux qui pendaient le long de son torse, me fit penser à Jacques, même regard franc, même allure droite, une jeune fille qui me rappelait les jeunes vierges hippies des années soixante dix portait une longue robe rosée qui laissait apparaître en filigrane un corps fragile ; elle était accompagnée de deux autres garçons aux cheveux tressés, aux airs à demi viril, à demi aérien ; on sentait à leur allure qu'ils vivaient au grand air ; l'espace des monts d'Arrée avait commencé par imprimer sur eux son implacable robustesse, car ils commençaient par ressembler un peu au paysage.
Nous descendîmes dans la vallée, et nous aperçûmes bientôt une immense construction de bois, qui me fit penser tout de suite à ces maisons fortifiées que construisaient les Gaulois ; à cause de l'enceinte extérieure qui entourait un bâtiment qui servait d'entrepôt pour les gens qui habitaient ici.
Une multitude de poules et de et de coquelets tournaient autour de la bâtisse ; je reconnu en la contournant une partie de la bâtisse qui avait été construite tout au début de mon passage dans ces lieux, elle servait déjà d'entrepôt pour la paille destinée aux animaux.
D..... et Christina qui nous avaient parlé de la magnifique maison de bois que gilles un des pionniers du lieu avait construit, nous y amena.





















FIN DE LA PREMIERE PARTIE








































(DEUXIEME PARTIE)





































CHAPITRE I






Je reconnu dans l'entrelacement du chemin qui courait à travers bois, des parties du paysage que j'avais déjà parcouru lors de mes précédents voyages ici. Nous débouchâmes bientôt sur une clairière, et simultanément nous apparurent deux visions ; celle d'un magnifique tippie qui était planté dans le centre d'un pré, et sur une petite hauteur, une hutte de bois magistrale aux dimensions d'une chapelle s'imposa à notre vue. Elle avait un toit qui me fît penser à cause de sa pente en forme de cône à ce merveilleux bâtiment qu'on trouve lorsqu'on arrive dans la cité interdite à Pékin, qu'on appelle la salle de prières pour de bonnes récoltes ; toutes proportions gardées bien sur, car ce sanctuaire céleste possède trois niveaux de formes sphériques et coniques qui sont un des purs joyaux d'architecture du XVéme siècle chinois.
La maison de Gilles et Michèle, que gilles appelait modestement une cabane était bien plus que cela, car elle avait une certaine envergure qui lui donnait comme je l'ai suggéré plus haut, plus l'air d'un temple que d'une cabane. Le toit était constitué d'une toile assemblée à la façon des tippies, cette toile enroulée autour de la structure conique du toit avait été teintée de couleur rouge ocre, à la façon dont les anciens marins bretons teintaient leurs voiles de navigation. D..... m'en avait expliqué les principes, alors qu'il vivait à l'époque sur l'île de Bréhat; des marins qui enseignaient ces techniques à des élèves de passage lui avaient montrer comment réaliser cette manière de colorer le tissu. J'ignore en l'occurrence d'où provenait cette façon de faire que gilles avait décidé d'utiliser pour son propre compte dans cette construction. Comme nous étions en Bretagne, je suppose que cette technique était connue des bretons, mais je suspectais mon ami D..... d'avoir contribué à sa propagation, connaissant son amour pour toutes ces formes de pratiques ancestrales.
L'armature de la toiture était constituée d'un assemblage de perches de bois qui étaient rassemblées à leur sommet autour d'un anneau de fer, ce qui me rappela tout à fait les techniques de construction utilisées par les Mongols pour confectionner leurs yourtes. On aurait très bien pu d'ailleurs comparer cette maison à une forme de yourte Mongole, car si ce n'était sa dimension extrêmement plus imposante que celle d'une yourte, elle en avait toutes les apparences. Toutefois il est vrai la forme conique du toit était beaucoup plus accentuée que celle des yourtes, qui étaient arrondies. Les pourtours de la maison étaient faits d'un assemblage de bois entre lequel on avait placé des bottes de foin pour servir d'isolation, un revêtement intérieur en dissimulait la vue. De grandes baies vitrées pouvaient donner l'impression que cette maison avait des airs alpins, à cause de cette sensation d'ouverture que provoquaient les baies vitrées accolées à du bois, assemblé il est vrai à la façon des chalets.

Nous ne pénétrâmes pas tout de suite dans la maison, car gilles n'y était pas, nous l'avions aperçu un peu plus loin à l'horizon, avec un cheval de trait, il devait revenir d'ici peu ; c'est pourquoi nous continuâmes la visite du campement.
Je songeais quant à moi, en contemplant la maison que gilles avait construit, que c'était un peu celle que j'avais imaginée de construire, lorsqu'il m'était arrivé de penser qu'il me serait possible d'en construire une de cette nature. Si désormais je devais réaliser une telle maison, je saurais mieux à quoi m'en tenir après avoir contemplé celle là !
Nous reparcourûmes le chemin que nous avions pris en sens inverse, et nous en prîmes un autre qui débouchait sur une clairière que je reconnu immédiatement, car elle servait si l'on veut d'antichambre à une clairière plus vaste qui se trouvait derrière, et qui servait de lieu de rassemblement pour la communauté indienne à ses débuts ; c'était dans la seconde clairière plus vaste que j'avais aperçu pour la première fois cet ensemble de tippies qui m'avait éblouit lors de la première apparition que j'en avais eu.
Avant d'aller revoir cette partie du campement, nous sommes allés admirer le nouveau chapiteau collectif que la tribu avait construit et qui avait servit récemment lors de la grande fête d'équinoxe, de lieu de convergence pour les trois cent ou quatre cent personnes qui s'y étaient retrouvées durant les quelques jours qu'avaient durés la fête.
Nous traversâme le ruisseau qui longeait la petite clairière où nous étions, et puis nous débouchâmes sur un espace qui était dissimulé à la vue par des arbres. C'était dans cette partie du campement que les habitants des lieux avaient décidés d'ériger un vaste chapiteau destiné à la vie collective qui se réduisait de plus en plus à des fêtes ou à des rassemblements ; car le campement vivait sur des bases plus individuelles. Ce grand chapiteau avait remplacé en quelque sorte le tippie central d'autrefois qui servait de lieu de rassemblement à la tribu encore soudée dans une même vision. Depuis au moins deux couples d'importance étaient partis, deux couples qui avaient contribués à forger ces espaces qui semblaient ne pas avoir vécus, tant ils étaient en déshérence.
Le grand chapiteau était construit d'une façon plus aléatoire que les précédentes constructions que nous avions vues, il était toutefois d'une belle ampleur, indiquant si besoin en était que des énergies puissantes avaient du se rassembler là pour œuvrer à sa construction ; nous ne nous attardâmes pas, car finalement le lieu une fois parcouru, il ne restait plus qu'à poursuivre notre mini- voyage à l'intérieur de ce qui restait du campement des indiens, lequel prenait plus figure à présent d'un camp de trappeurs que d'un campement indien.
Nous passâmes devant une hutte de branches, et débouchâmes sur l'ancienne clairière qui servait il y a quelques années de lieu de convergence pour les tippies. J’aperçu une vague construction dissimulée derrière des broussailles qui semblait indiquer que des gens vivaient à cet endroit ; mais pour le reste l'espace était désert.
Nous prîmes un petit chemin qui menait à la deuxième construction du campement construite par Alain, un des premiers habitants du lieu ; il vivait en compagnie de la sœur de Michèle qui habitait la belle construction que j'ai décrit un peu auparavant. Alain était malade, et c'est sa compagneL......qui nous reçu sur le devant de la cabane, construite selon le même schéma que la première avec moins d'ampleur; deux plaques solaires sur le toit alimentaient le lieu en énergie .La compagne d'Alain que j'avais déjà rencontrée lors de mes premiers passages ici, était une belle femme fragile d'apparence, au regard gris vert, qui venait d'avoir un bébé, dont le regard gris vert transparent, faisait écho au regard de sa mère. Elle semblait fatiguée, elle s'entretint pendant quelques temps avec y. et Hélèna, comme seules les femmes savent le faire en parlant des histoires d'enfant ; puis nous décidâmes de rejoindre la maison de gilles qui nous avait invité à venir le rejoindre ; ce qui nous donna l'occasion de pénétrer à l'intérieur de sa maison, une maison assez peu ordinaire.
A l'intérieur du lieu l'espace était circulaire, il commençait par y faire un peu sombre, car nous étions en hiver, et le jour commençait par tomber. Il fallait se déchausser pour accéder à un plancher, qui légèrement surélève donnait accès à la partie centrale de la maison. Dans les recoins circulaires de l'espace des multitudes d'objets utilitaires et décoratifs trônaient chacun ayant leur usage et leur raison d'être. Au centre de l'espace un superbe fourneau faisait office de foyer, il était surmonté d'une immense cheminée qui débouchait jusqu'au sommet de la maison. Au-dessus de nous ce qui m'impressionna le plus, ce fut cette superposition d'étages que nous pouvions apercevoir du lieu ou nous nous trouvions. Il y avait un premier étage concentrique situé au-dessus ; ce qui donnait du lieu une impression de niches superposées qui donnaient l'envie de se blottir dans les multiples recoins qu'elle semblaient dissimuler ; il y avait une superposition d'échelles pour y accéder, qui donnaient un peu l'impression que nous étions installés au-dessus d'une pyramide comme celle de Babel, et qu'il nous suffisait de monter les échelles placées au-dessus de nos têtes, pour accéder à ses recoins secrets. C'était sans doute cette sensation d'alcôve et de mystère qui se dégageait des parties hautes de la maison qui ma le plus impressionnée dans cette demeure. Je ne doute pas que les enfants qui y vivaient devaient y puiser leur part de satisfaction secrète, né du privilège qu'ils avaient de vivre régulièrement dans une telle demeure ; mais je puis me tromper, car cette forme de vie pour eux était devenue tellement quotidienne, qu'ils n'en concevaient peut-être pas la part merveilleuse, comme celle que pouvait en avoir un visiteur qui aimait à rêver.
Gilles que je n'avais pas vu depuis un temps incertain, me fit l'effet d'être particulièrement en forme. Il s'employa à faire du feu dès son entrée dans la maison et nous invita à manger un morceau de fromage dur comme du bois, mais délicieux.
Gilles était un homme de la nature, il était vêtu plutôt comme un trappeur que comme un indien, avec des vêtements de cuir et de laine, il portait de grands cheveux en broussaille, il semblait se réjouir de notre visite. Il nous parla entre autre de ce voyage qu'il envisageait d'effectuer avec Michèle sa compagne et ses deux enfants qui deviennent de plus en plus grands ; il nous dit qu'il voulait faire ce voyage, peut-être le dernier qui se ferait avec toute la famille ; car les enfants devenus grands allaient vivre leur propre vie. Il voulait n'utiliser que les chevaux pour effectuer un tel périple, qui devait les mener dans un premier temps, jusqu'aux Pyrénées -J’ai confectionné un tippie plus léger, facilement transportable- nous dit-il. C'était celui que nous avions aperçu à proximité de la maison ou nous nous trouvions.
dans un coin de la maison des selles et des harnais montraient la passion des habitants de la maison pour les chevaux. Nous avons parlé des grèves sur Paris, car gilles et Michèle venaient juste d'y effectuer un aller retour pour assister au salon du cheval qui se tenait porte de Versailles 'aurais aimé parler davantage avec gilles, car je voulais connaître son point de vue sur des multitudes de choses qui m'intéressaient ; sur la vie des chevaux, sur la façon dont ils avaient construit leur maison, sur la façon dot ils envisageaient de voyager, sur la façon dont ils envisageaient l'évolution du campement ; mais Hélèna nous rappelle à l'ordre, car la nuit était déjà tombée, et il faisait sombre ; nous avions encore la vallée à remonter pour rejoindre nos véhicules. Nous partîmes de ce lieu un peu à regret, car le temps nous était compté. Nous avons encore parlé un peu devant la maison que l'on distinguait à peine à présent tant la nuit était tombée subitement, quand survint Michèle et ses deux enfants ; elle était allé à cheval poster une lettre de l'autre côté de la vallée; juste le temps de nous embrasser et de nous congratuler que déjà nous devions effectuer la remontée du chemin qui devait nous ramener sur nos pas.
Le ciel était constellé d'étoiles qui resplendissaient au cœur de la nuit.
















































CHAPITRE II









Ces notes que je prends à la hâte, paraîtront parfois trop brèves ou trop superficielles, à ceux qui attendraient d'un voyageur poète qu'il se livre à des descriptions évoquant des aspects du monde qui échappent à l'œil de l'homme pressé par le temps. Qu'on ne voit pas dans ces images que j'ai montrées, les brefs poèmes que j'aurais voulu y tracer, cela ne veut pas dire que la dimension poétique de ce voyage n'existait pas ; ces pages que je livre, montrent une façon de procéder dans l'écriture qui est celle d'un marcheur un peu brutal, plutôt que celles d'un poète au regard pur. Si j'avais été poète, j'aurais sans doute pu résumer en quelques traits rapides, les sensations que m'ont laissées ces lieux que je viens de décrire ; pour cela, j'aurais du me faire poète chinois ; si j'avais voulu par exemple résumer d'une seule image toutes les vives sensations produites, tel ce poème que j'ai composé pour tenter de voir si j'étais capable de dire en peu de mots, ce que j'ai laborieusement tenté d'exprimer avec plusieurs.


Au milieu du jour soleil sur les monts d'Arrée
En compagnie de mes amis, je descends dans la vallée


Un clair ruisseau parcours les grands près
Des hommes des femmes et des enfants vivent au cœur de la nature
Accompagné de mes amis, je suis venu pour les surprendre


Les genêts sont humides,
Les arbres sont noirs
Le silence nous entoure
La beauté est cachée derrière les pierres du ruisseau


J'ai embrassé le nouveau né
Et j'ai bu du thé avec un ami
Le thé avait la saveur de l'eau qui coule dans le ruisseau


Quand nous sommes reparti
Il faisait déjà nuit
Mon cœur brûlait




On aura compris le profit que j'aurais pu retirer à ne résumer mon voyage que sous forme de petites sensations.
Avec un peu d'entraînement j'aurais certainement produit un bien meilleur ouvrage que celui que j'ai mis à bas à travers ces pages. Je devrais penser à ça pour un prochain voyage.














































TROISIEME PARTIE



































CHAPITRE I








Retour de nuit à la maison de Christina et D...................
Avec y. nous avons décidé de partir le lendemain, un lundi pour Paimpol, ou nous passerons le reste de notre séjour en Bretagne dans l'appartement que possède D..... au centre de la ville à deux pas du port.
Auparavant, je relis le projet de voyage organisé par les amis hollandais du ballon C° qui préparent depuis deux années déjà une expédition artistique destination la Mongolie.
Le nombre de places étant limitées dans le car du ballon et le voyage long, d'autre part nous n'avons pas suivit ce projet, sauf de loin - je parle pour y. et moi-même - d'autre part encore le coût relativement élevé du voyage ; toute une série d'arguments qui me poussent à imaginer un autre moyen pour contourner cette suite de difficultés qui semblent rendre problématique notre participation à cette aventure.
En lisant le dossier qui résume le projet sur la Mongolie, je m'aperçois que sur les deux mois que va durer le voyage des amis de Ruiggord, la moitié sera consacrée au voyage aller retour. Une partie du périple va s'effectuer jusqu'à Moscou en train, l'autre s'effectuera par le Trans-sibérien. Les gens du village resteront un mois à temps plein à Ouland -Bator capitale de la Mongolie ; ils y construiront une grande sculpture qui remplacera le buste de Staline qui trône sur une place stratégique de cette ville. Cela me permet d'imaginer qu'il soit possible que nous les rejoignons quelques semaines durant, en été, à Oulan -Bator la capitale, et qu'ensuite nous rejoignions le nord de la chine pour accéder à une ville ou réside le frère de y. qui serait me dit elle capable de nous accueillir durant une semaine, du moins de nous aider à trouver un logement.
Je me dis que cela serais jouable à moindre coût, car le prix aller retour d'un charter pour la Mongolie doit être moins élevé qu'un long voyage en car et en transibérien. J'en parle à D..... qui semble tout à fait enchanté de cette perspective, d'autant plus qu'elle collerait mieux avec sa disponibilité; toutefois D..... doit garder son fils Hugo durant les mois d'été, il lui faudrait s'arranger avec K....... son ex compagne pour intervertir les dates de la garde, sinon amener son fils. Y. quant à elle semble tout à fait partante pour ce genre d'aventure ; je ne l'ai pas encore vu omettre une seule objection sur ce genre de proposition, comme si elle lui paraissait toute naturelle. Ainsi je suis resté sur cette idée, et j'aimerais qu'elle se concrétise.
Tous ces projets que j'échafaude sont conditionnés en réalité, par l'argent ; si je vend assez de tableaux, je pourrai les voir se concrétiser, sinon ils risquent de tomber à l'eau ; cela je le sais si bien que je m'évite d'y penser ; mais pour tout dire, cela ne m'empêche pas de rêver.





















































CHAPITRE II



- Passage sur la Mongolie imaginaire- Toiles et visions de Ruiggord - Pourquoi mon désir de Mongolie ? -


Je ne sais pas d'où me vient cette grande passion que j'éprouve pour la Mongolie ; où plutôt, je le sais trop. Probablement me vient elle de mon goût insatiable pour "ce qui est autre". Dans mon imaginaire, la Mongolie représente cette contrée primitive que j'ai toujours recherché en vain, sorte d'eldorado de l'humanité ou les hommes semblables aux grands espaces désertiques qu'ils traversent à longueur d'année, n'existent que par rapport à l'esprit des choses qui les entourent, le vent la pluie, le froid, le soleil et les immensités de la steppe. Eldorado mythique, sans doute irréel, car mon imagination à besoin pour s'affirmer de créer des contrées vierges, pour étancher sa soif d'inconnu. Peut-être la Mongolie représente t'elle dans mon imaginaire, ce que les îles océaniennes représentaient pour G augain ; une terre d'élection pour ses rêves. J'aurais pu tenté de créer cette terre d'élection, à partir de visions que j'avais de la chose ; mais celles ci n'obéissaient pas aux même canons de liberté que j'entrevoyais à travers le rêve mongol qui m'habitait. Et sans doute en aspirant à la Mongolie, je cédais à un penchant que j'avais toujours eut pour les terra incognita ; les terres dont on parle comme si elles n'avaient existées qu'à travers l'imagination des voyageurs qui les avaient parcourues.
Ainsi, à travers la Mongolie, c'était les images romantiques et exotiques qu'en avait dessiné Hugo-Pratt qui surgissaient ; avec elles, c'était cette grande figure d'aventurier Corto Maltesse qui apparaissait, comme si il incarnait depuis longtemps pour moi, depuis le temps ou j'en avais découvert l'existence, le type idéal d'aventurier, celui qui incarnait le plus totalement l'espèce de liberté fugitive et mouvante que j'avais toujours recherché. Son intrépidité, sa générosité, sa folie même, ce que j'avais sans doute toujours rêvé d'être, à mon insu. L'extrême romantisme de Corto Maltesse, mais surtout sa vie aventureuse extrême, sa noblesse me rappelait ce qui me faisait déjà rêver lorsque j'avais à peine seize ans, et que je m'imaginais pouvoir devenir, à la lecture de Cendrar, ou en recherchant dans des images ailleurs, le complément de rêves qui me faisaient défaut, quand je cherchais déjà à m'échapper du carcan de la vie ordinaire dans laquelle j'avais l'impression d'être tenu de vivre, mais qui ne correspondait pas, à l'idée que je me faisais de la vie.


Sans doute, j'avais toujours été un incorrigible rêveur, mais j'avais pourtant pu entrevoir dans l'univers mongol, dans celui que j'avais pu apercevoir lors de la grande fête organisée par les amis hollandais du village de Ruiggord, il y a de ça quelques années, une partie de cette terra incognito que j'avais espéré croiser un jour dans mes rêves.
Les artistes mongols qui étaient invités à cette occasion, avaient transportés avec eux toute une partie des charmes mystérieux de l'Asie et des steppes, ils logeaient sous de grandes tentes situées un peu en retrait du centre de la fête. Des lamas aux tuniques rouges et orange les accompagnaient ; dans le déploiement de leur campement, j'avais pu respirer je ne sais quelle atmosphère qui m'avait séduite et marquée au point de vouloir aller aujourd'hui en retrouver les formes, les contours, et surtout m'en aller retrouver cette étrange sensation qui leur était liée, celle d'un univers, dont les façons de penser, de sentir, de se déplacer, était située dans un lieu du monde qui m'apparaissait par certains côtés plus proche de ma propre façon de penser que celle que m'avait enseignée l'occident.
Il y avait un charme asiatique, mais surtout une sensation de virilité authentique, de religiosité authentique, de féminité authentique dans ces gens venus des steppes, que c'est peut-être cette vigueur de sentiment et de vie que je sentais chez eux, qui m'avait donné envie de les revoir.
La fraîche beauté et la gaieté des jeunes femmes mongoles que j'avais entr'aperçu sur le marché du campement, alors qu'elles vendaient les bijoux et les symboles de leur pays, m'avait sautée aux yeux, et j'avais entr'aperçu dans leur sourire, et à travers la malice de leur regard, toutes les joies de vivre me semblait il, que ce peuple avait su entretenir et cultiver. Je me disais qu'un peuple qui avait su préserver une telle beauté, une telle noblesse, une telle vitalité, devait posséder une culture d'une subtilité et d'une vigueur exceptionnelle. L'alliage de sauvagerie et de raffinement, que je présentais en voyant ces gens venus d'un pays qui m'était inconnu jusqu'alors ; cet alliage détonnant devait appartenir à un peuple qui avait quelque chose à m'apprendre sur le sens et les raisons d'être de la vie ; car derrière l'épais mystère et l'attrait pour les peuples lointains, ce qu'on appelle l'exotisme, que je pouvais ressentir en découvrant ces hommes et ces femmes, je devinais au plus profond d'eux même, qu'ils étaient détenteurs d'un savoir-vivre exemplaire qui cachait une sagesse que je ne connaissais pas.
C'est peut-être pourquoi finalement, j'avais le plus envie d'aller les rejoindre, pour découvrir leur secret.

Incidemment, il me revint à l'esprit, que les toiles que j'avais peint sur la Mongolie, méritaient le voyage ; elles étaient le résultat d'une aventure, que j'avais poursuivit jusqu'à ces dernières années dans la peinture, mais aussi dans les replis des civilisations les plus anciennes ; elles bouclaient à leur façon la traversée imaginaire que j'avais effectué vers les contrées lointaines ou soufflait l'esprit le plus authentique de l'humanité, lorsqu'il s'était affranchit des faux-semblants qui lui donnaient l'apparence que nous lui connaissons à l'heure actuelle, celle d'un vaisseau voguant toutes voiles déployées sur un océan des merveilles, mais dont la destination finale semblait lui échapper. D'autres peuples, d'autres hommes d'autres civilisations avant la nôtre avaient déjà effectué le voyage qui mène à la conquête des grandes étendues magiques de l'univers, leur enseignement pensais je pouvais se révéler d'autant plus précieux, qu'il commençait par disparaître au profit de la civilisation nouvelle qui s'installait, dans les aspects que nous lui connaissons. Il me semblait que nous avions tout à gagner à reconquérir les bienfaits dont les civilisations passées étaient porteuses, si nous voulions retrouver une parcelle de la sagesse (qui avait rendu possible l'éclosion de l'humanité) dans la civilisation du futur qui était annoncée ; car l'éclosion d'une nouvelle civilisation ne pouvait se faire que si les hommes qui en étaient les porteurs reconnaissaient dans les valeurs universelles qui avaient rendues possibles l'éclosion des autres civilisations humaines.
Ces valeurs ne s'étaient pas crées en un seul jour, il avait fallu parfois des millénaires avant que de les voir éclorent. Les hommes de l'âge ou nous vivions et ceux du futur qui s'annonçait pouvaient bien consacrer quelques heures dans leur vie à venir s'instruire ou s'informer auprès d'elles des trésors d'expérience qu'elles recelaient avant qu'elles ne soient amenées à disparaître. C'était la mémoire universelle des hommes qui s'exprimait à travers elles; il y avait un devoir pour chaque être humain à en préserver les traces? C'était ainsi en tout cas qu'à mon simple niveau je concevais les choses ; il me semblait que le devoir de vie de chaque homme impliquait aussi une dose de reconnaissance, vis à vis de ceux qui l'avaient précédé ; c'était seulement en tenant compte de cette chaîne que l'humanité avait pu subsister, se maintenir et durer ; d'ailleurs ce devoir de mémoire ne s'imposait pas seulement pour une question d'éthique, mais pour une question de survie qui touchait à la perception de l'espèce humaine ; si l'espèce humaine ne pouvait pas apprendre des formes de sagesse qui avaient redues possible son maintien sur cette terre, elle disparaîtrait.

































CHAPITRE III





Hélèna, Yuna, Christina et D..... 'étaient rassemblés devant la porte de la maison de Christina, nous avons échangé les dernières paroles d'adieu, et nous avons reprit la route que nous avions remontée peu de temps auparavant en sens inverse, gardant pour quelques instants encore le souvenir de nos amis qui nous regardaient partir emportant avec nous la chaleur de leur amitié. Nous quittâmes les monts d'Arrée pour rejoindre la côte, notre destination Paimpol ; mais nous avions l'intention de nous arrêter à Plougrescan, en bordure de mer, pour y rendre visite à un couple d'ami hollandais, dont je n'ai pas parlé, mais que nous avions rencontré les années précédentes, alors qu'il habitait lui aussi dans la vallée. Il était à présent installé sur un site situé à proximité de la mer, un site occupé par un couple d'artiste allemand qui y avait construit un immense atelier en forme de dôme.
Yan et Jackie était aussi un couple d'artiste ; i ils voyageaient dans une roulotte colorée, avec deux enfants qui étaient d'une rigueur éblouissante. J'avais gardé de Yan et Jackie et de leurs deux enfants un beau souvenir. Jackie était une belle jeune femme blonde, d'allure simple, elle nous avait accueillit dans sa maison roulotte lors de notre passage avec yI dans la vallée. Y. avait beaucoup joué avec Marten leurs fils qui éclatait littéralement de santé. Yan son compagnon était un artiste doublé d'un artisan hors pair, il avait construit non seulement leur roulotte, mais aussi un magnifique orgue de barbarie qu'il utilisait durant leurs spectacles, il était aussi un marin dans l'âme, et à l'époque ou nous l'avions rencontré, il travaillait à la réfection d'un bateau dont il avait fait l'acquisition.
Plougrescan me rappelait par ailleurs des souvenirs fantastiques, car ce lieu que j'avais déjà visité en compagnie de D..... possédait une force exceptionnelle. Le gouffre de Plougrescan était un de ces sites remarquables que l'on oublie pas après l'avoir cotoyé, car les visions qu'il recèle sont si peu communes, restent inscrites dans la mémoire. Ce lieu m'avait tellement impresionné, que je tenais à le revoir.


J'avais décidé de suivre la côte (après Morlaix) pour rejoindre Lannion, la seconde ville qui nous servait de point de repère sur la carte pour accéder à Plougrescan. Je n'ai pas regretté cette manoeuvre, car j'ai fais découvrir à y. des paysages qui valaient le détour ; j'en profitais moi-même, avec la joie d'un enfant qui découvre la mer comme si il la voyait pour la toute première fois.
Nous étions mi-décembre, et les routes étaient quasiment désertes ; la côte de granit rose n'était pas envahie par le tourisme, nous pouvions jouir du détour par la côte avec une sensation de volupté sans pareille ; celle que procure la sensation de parcourir de vastes espaces vides splendides, auxquels sont suspendus des paysages magnifiques. Cette sensation de volupté était rendue plus forte encore du fait que nous avions l'impression que ces paysages magnifiques étaient réservés à nous seul, du fait que nous étions seuls à les contempler.
Cette débauche inouïe de beauté pure et d'espaces scintillants que nous offraient les paysages situés en bordure de mer, nous grisait légèrement, et nous faisait pénétrer dans une zone délicieuse de cette brève exploration en pays celte.
Nous nous faisions l'effet d'être en voyage, car de l'esprit du voyageur nous n'avions pas encore eu le temps d'en goûter les manières. Et dans ce cours périple qui menait des monts d'Arrée à la limite des terres, nous pouvions entrevoir à travers le front de l'océan, toute la beauté infinie des voyages qui nous attendaient, car un des aspects liés à la contemplation des côtes et des océans qui s'y rattachent, c'est qu'ils font rêvés à tous ces voyages que nous n'avons pas fait et que nous aimerions entreprendre ; car la vue de la mer et des vagues qui viennent heurter les grèves et les rochers qui s'y agrippent, aussi tranchant que des lames de couteaux ; cette vue entretient en nous l'espoir des voyages, cette vue vient frapper nos imaginations statiques et endormies, pour les stimuler, et pour leur insuffler l'envie de partir, vers des pays situés plus loin, au-delà de la ligne d'horizon qui est tracée devant nos yeux, et qui nous invite à jeter les amarres pour aller nager vers des contrées lointaines.
Nous fîmes une courte escale pour festoyer à un endroit de la côte dont le nom à présent m'échappe, festoyer, cela consistait à manger pain complet et saucisson à l'intérieur de la voiture tout en contemplant la mer et les rochers qui se découpaient à l'horizon sur de vastes plages. J'absorbai ma boisson préférée le coca cola, j'étais un nostalgique des mondes anciens, mais j'étais un consommateur de l'époque actuelle ; souvent j'avais pris plaisir à ce contraste, voyant dans l'image d'une boite de coca cola posée devant moi, le symbole présent d'une civilisation que je pouvais contester par certains côtés, mais que j'admirais par ailleurs pour sa vertigineuse capacité d'invention et ses facultés de création extraordinaires. Ma fascination pour les capacités d'invention humaine pouvait me mener à révérer parfois autant la beauté aérodynamique d'un avion que la beauté nue d'un paysage ; j'étais en cela l'enfant d'une époque, plus que je ne pouvais l'imaginer.
Avant de gagner Plougrescan, je voulais passer à Port-blanc pour y revoir la plage ou j'avais composé une de mes plus grandes toiles "l'âge d'homme" une espèce d'aurochs plus grand que nature qui représentait pour moi l'animal symbolique de la période primitive qui dominait toute ma production artistique de cette époque.

J'étais venu sur la plage de Port-blanc assez tôt le matin avec D..... qui m'y avait conduit avec le vieux ford qu'il possédait à cette époque. J’avais entassé neuf grands châssis dans son camion ; c es châssis étaient déjà préparés, c'est à dire que j'avais tendu sur ceux ci la toile sur laquelle l'allais peindre ; je ne me souviens pas d'avoir fait subir à la toile aucune préparation auparavant.
J'avais passé deux jours peut-être à tendre la toile sur ces châssis qui mesuraient prés d'un mètre cinquante à deux mètres de largeur et de même pour la hauteur ; je logeais à cette époque à proximité de la petite maison que D..... avait loué à Port-blanc. Cette maison était entourée de verdure ; et c'est dans un des prés qui entourait cette maison que je travaillais. Je dormais alors sous une tente que j'avais emporté, nous étions en été. J'ai étrangement perdu le souvenir sur la façon dont j'avais pu transporter ces chassais depuis Paris jusque la Bretagne, car il me semble que vu leur dimension, es châssis ne pouvaient pas rentrer dans ma voiture ; sans doute étais ce D..... qui les avaient transportés jusque là, après un voyage effectué à Amsterdam en commun. Comment m'était venu le désir de réaliser cette grande toile ? J'en ai presque perdu le souvenir également ; certaines époques pas si lointaines se confondent déjà dans les souvenirs qui m'en restent ; et il me faudrait effectuer un travail d'arpenteur pour retrouver les traces exactes de mes passages pas si lointain dans ces lieux. Il me semble que j'ai du réaliser cette toile dans les années mille neuf cent quatre vingt dix ; il y a de cela presque cinq années. En venant poser mes châssis sur le sol de Port-blanc, je voulais confronter la force de mon geste, celui du peintre, à la grandeur vertigineuse de la nature qui régnait là. Lorsque j'ai mis les châssis l'un à côté de l'autre, l'immense toile que je croyais avoir sous les yeux, se réduisait à un simple petit rectangle presque insignifiant ; c'est que l'immensité de l'espace qui m'entourait donnait soudain à cette toile une autre dimension ; une dimension beaucoup moins impressionnante que j'avais pu le croire en préparant ces châssis dans l'espace confiné d'un pré, celui qui juxtaposait la maison de D..... La toile que j'avais sous les yeux mesurait peut-être trois mètres sur quatre, mais elle paraissait ici dans le décor naturel "aux dimensions de la nature" une petite chose sans importance. Toutefois, lorsque j'en approchai, en faisant abstraction de la grandeur naturelle qui m'entourait, je pouvais à peine l'appréhender d'un seul geste au pinceau ; car elle était trop grande pour cela. C'était pourquoi, j'avais attaché mes pinceaux (que j'avais choisi d'une taille conséquente) à des morceaux de bambous qui les rendaient plus longs et plus adaptés à l'espace que je voulais appréhender d'un seul geste, à la façon des peintres chinois.
Je mis quelque temps avant de parvenir à travailler, car il me fallait préparer le terrain pour que cette sorte de grande confrontation que je m'étais fixé puisse avoir lieu. J'avais amené la grande carapace de tortue qui me servait de récipient, et j'avais répandu dedans de l'extrait de tanin qui me servait alors d'unique médium, hormis un peu d'encre chinoise noir que j'utilisais pour rehausser certaines parties du travail que j'avais sous les yeux.
Je n'avais pas préparé la toile, car la préparation j'allais la faire sur place, en enduisant celle ci d'une colle à moquette renforcée, sur laquelle je projetais du sable de la plage que je tamisais au fur et à mesure, pour en extraire les impuretés éventuelles. Une fois cette préparation réalisée ; je pouvais commencer par m'élancer et faire corps avec la toile, d'une façon plus dynamique, car la véritable création pouvait avoir lieu. Celle ci dura un temps que j'ai du mal à comptabiliser, car je suis revenu sur la toile par couches successives et par gestes successifs plusieurs fois dans la même journée ; prenant à peine le temps de jeter un œil sur les transformations qui s'opéraient autour de loi dans le décor naturel de la plage. Je sentais plus que je ne la voyait, une foule compacte et dense s'agglutiner sur les bords de celle ci, elle entourait ma toile, non pas pour la contempler heureusement, mais avec une sorte de frénésie d'occupation, pour jouir de sa place en ces lieux qui servaient de plage pour les estivants.
Dans ces lieux, je n'étais pas plus qu'un enfant qui jouait dans le sable avec son sceau ; j'étais peut-être bien perçu par certains comme un intrus, car j'occupais à moi seul, une grande portion d'espace, et les plages bretonnes en été sont comme toutes les plages en France du moins, des territoires que l'on conquiert de haute lutte, pour s'approprier une sorte d'espace vital, celui que tout vacancier est en droit de réclamer d'autant plus d'ailleurs qu'il y a de monde pour lui disputer. Heureusement à Port-blanc l'espace n'était pas encore quadrillé, comme celui qu'on rencontre sur certaines plages aux heures de pointes dans la frénésie des jours d'été. Je pu terminer ma toile sans heurts, sous le regard indifférent des touristes et des estivants.
La réalisation de cette toile m'avait prit tout de même une grande partie de la journée, car je voulais par des retours successifs de matière et de jus, lui donner cette sensation de force qui lui permette de passer la rampe ; la rampe pour moi en l'occurrence, c'était cette grandeur naturelle que j'avais présente sous les yeux, celle qui m'entourait lorsque je faisais abstraction des gens qui gravitaient autour de moi ; celle que j'avais sous les yeux, quand je dirigeais mon regard vers les immenses étendues bleues de l'océan, et vers les vastes panoramiques de la plage qui s'étendaient à l'infini.
Le temps s'était écoulé sans que j'en prenne conscience. Le soleil déclinait, lorsque D..... vint contempler mon travail, et me ramener à sa demeure.. Cette toile immense est toujours restée en Bretagne ; D..... s'en est fait le gardien et le conservateur, espèrant lui trouver un acquéreur pour une somme astronomique bien pesée... je l'ai laissé rêvé à cette éventualité.
Il a exposé celle ci dans un lieu qu'il avait alors le choix d'user, sur Paimpol, alors qu'il s'occupait d'un théâtre ; depuis elle dort dans une remise en attendant un autre espace qui soit digne d'elle.
J'ai raconté cette histoire, car l'espace de Port-blanc que je retrouvais en compagnie de y. me l'avait remit en mémoire. En repassant sur cette plage sur laquelle j'avais œuvré il y a quelques années, je revenais contempler la forme du paysage qui m'avait inspiré lors de la réalisation de cette toile; j'avais aussi une fonction à accomplir; je voulais ramener à Paris un peu de sable de cette plage qui m'avait servit pour la réaliser; car je voulais que la beauté du sable de Port-blanc serve encore à relancer le geste du peintre dans une dimension de l'espace qu'il n'avait pas encore fini d'explorer.

Nous abandonnâmes la plage qui avait donnée naissance à une des toiles les plus fortes que j'ai réalisé peut-être ; un jeune couple se tenait enlacé, à deux pas de l'endroit ou j'avais travaillé celle ci ; à part eux, la plage n'offrait qu'une immense étendue vierge ; la grandeur du paysage m'apparut renforcée. Je me dis en moi-même que j'aurais du choisir un autre moment pour réaliser cette toile, autre que le plein été ; la présence de la foule qui évoluait à proximité de moi alors que je travaillais, m'avait peut-être empêchée de fournir la puissance maximum, que je voulais mettre dans la composition de cet acte. Mais je m'arrêtai de penser, car je savais que c'était inutile de revenir en arrière ; les choses s'étaient accomplies selon un ordre qui avait échappé en partie à mon contrôle ; et qui faisait partie de l'histoire ancienne, cela ne servait à rien de s'abandonner à de vaines et stériles interrogations. Nous repartîmes vers le centre du village, l'espace était désert, nous voulions boire un café, mais aucun n'était ouvert ; seule restait la beauté du petit port ; nous sommes restés quelques temps à regarder la mer, puis nous sommes reparti, car nous voulions aller voir nos amis dans le lieu que nous avait indiqué D..... je voulais aussi montrer à y. le gouffre de Plougrescan.






















CHAPITRE IV







Arrivé au centre du petit village de Plougrescan, nous tournâmes juste avant le bâtiment du crédit mutuel ; c'était le point de repère que D..... avait indiqué sur le plan qu'il avait dessiné pour que nous puissions accéder au dôme.
Malheureusement, son plan n'indiquait qu'une seule route, et il y en avait deux ; nous dûmes arrêter un tracteur sur lequel se trouvait un homme jeune, qui nous renseigna assez rapidement sur la route à prendre. Je me dis que les paysans du coin qui connaissaient le dôme ; cela prouvait au moins son existence ; car parfois j'en doutais. Je doutais de son existence, comme d'un lieu que j'avais presque trop idéalisé, et dont les descriptions qu'on m'en avait faites m'empêchaient de croire à son existence réelle. D..... m'avait parlé de l'existence du dôme depuis plusieurs années dejà; et dans mon esprit, je m'étais fait une idée de ce lieu qui ne correspondait pas à la vison du paysage que je devais parcourir pour y accéder.
Je m'étais imaginé en effet, que le dôme était situé sur une lande désertique de la Bretagne, dans un endroit entièrement sauvage situé en bordure de mer, loin de toutes habitations ; cela correspondait en partie à la vision que m'en avait donné D..... A partir de sa vision, j'avais élaboré une image des lieux qui s'approchait beaucoup du paysage que j'avais parcouru, en découvrant pour la première fois, les alentours du gouffre de Plougrescan; les deux images se superposaient dans mon esprit, car elles étaient liées au même endroit, Plougrescan.
La beauté sauvage des bords de mer que j'avais gardé à l'esprit en me promenant aux abords du gouffre, m'avait incitée à construire un paysage imaginaire autour du dôme, un paysage sauvage semblable à celui que l'on trouve autour du gouffre de Plougrescan. Ainsi, je m'étais crée une vision personnelle sans doute fausse du lieu que m'avait décrit D.....
Au fur et à mesure que j'approchais du lieu réel ou se trouvait le dôme, la vision idéale que j'en avais, s'éffaçait peu à peu, au profit d'une autre, que je découvrais au fur et à mesure de mon avancée sur la route qui menait au lieu en question.
Lorsqu'il m'apparût que le vrai dôme ne serait pas aussi idéalement entouré que je l'avais imaginé, je dû effacer de mon esprit la vision idéale que j'avais construit autour de celui ci ; c'était sans doute pourquoi, j'en venais partiellement à douter de sa réelle existence.
En m'efforçant de rayer de mon esprit la vision idéale que j'avais crée du paysage entourant le dôme, je tentais pour masquer ma déception(de ne pas la voir se concrétiser)de trouver une nouvelle source d'intérêt à la découverte du paysage réel à travers lequel j'évoluais à présent. Je me disais en cherchant la route qui devait nous mener au dôme, que la nouvelle vision que j'allais en avoir pouvait peut-être me procurer une autre forme de plaisir ; le plaisir que l'on a découvrir la forme réelle des choses, lorsqu'elles nous apparaissent débarrassées des images toutes faites que l'on s'était formé d'elles en imagination, avant même de les voir.





Ainsi lorsque j'aperçut le haut du dôme dépassant derrière le toit de quelques habitations derrière lesquelles il semblait se cacher ; j'eus la confirmation de l'existence mythique du dôme que j'avais imaginé ; simultanément, je découvrais le paysage réel au milieu duquel il se trouvait en réalité ; et le plaisir que j'avais à découvrir ce nouveau lieu éclipsa en partie la déception que j'avais l'instant d'avant de ne pas découvrir le paysage idéal que j'avais imaginé pour lui.
Le plaisir de la découverte, prenait le pas sur celui de mon imagination ; j'allais enfin découvrir, et pouvoir comparer, le lieu réel et le lieu mythique que m'en avait tracé D..... et cela sans le secours de mon imagination.
Le lieu mythique que m'avait décrit D..... existait bien; simplement, il n'avait pas les mêmes caractéristiques que celles que lui avaient conférées mon imaginaire. Il n'était pas situé sur une lande désertée, mais dans le creux d'un pré assez vaste, légèrement renfoncé, situé à proximité d'une série d'habitations qui ressemblaient à des fermes. Pour y accéder, on devait utiliser un chemin qui était bordé de chaque côté par des maisons. On pouvait avoir la sensation en prenant ce chemin, qu'il ne menait nul part, sauf à des champs.
Lorsque nous tournâmes pour accéder au terrain sur lequel était érigé le dôme, et que nous débouchâmes sur le lieu en question qui était masqué par un bosquet ; la vision idéale que m'en avait décrit D..... me revint à l'esprit; et je ne pu que m'en réjouir; car d'une certaine façon, elle correspondait à celle que j'avais sous les yeux.
Il y avait cinq à six roulottes de couleur dans le pré, elles formaient une sorte de paysage idéal pour les rêves. Il y avait bien deux voitures à l'entrée du petit enclos qui permettait d'accéder au centre du campement, mais on ne savait pas si elles étaient encore en fonctionnement tant elles paraissaient vieilles. Le dôme sur le côté droit était magnifique, il était construit me semble t'il sur le même modèle que la maison de gilles, sauf qu'il était beaucoup plus vaste, et plus entièrement sphérique ; il y avait à vrai dire peu de ressemblances entre les deux constructions, à part cette manière commune d'assembler la toile qui recouvrait l'ensemble du dôme, et qui rappelait la technique utilisée par les indiens, pour construire leurs tippies, et que gilles avait utilisé lui même pour recouvrir la partie supérieure de sa maison.
L'intérieur du dôme servait de salle de répétition pour les gens du cirque, il était doté d'un plancher en bois vernis, et des trapèzes occupaient l'espace central. A côté du dôme, il y avait une maison de bois en forme de bateau renversé, au devant duquel une grande vitre était placée ; à l'intérieur, il y avait une machine à laver le linge, un évier, et d'autres choses encore, comme des jouets d'enfants qui traînaient sur le sol. Un escalier menait à la partie haute de la maison, qui comportait une mezzanine.
Le campement semblait désert. Mais lorsque nous nous sommes promené à l'intérieur, nous nous sommes aperçus qu'il ne l'était qu'en partie. Une chèvre rousse et blanche nous appelait, c'était la chèvre de Yan et Jackie que nous avions déjà aperçu dans le campement des monts d'Arrée, il y a quelques années ; c'était bien la même chèvre avec des airs de vieille fille qui lui donnaient une certaine allure, mais qui me la fit prendre en pitié, car elle était rivée à une chaîne et ne pouvait pas bouger tout son content.
Une nuée de poules et de coquelets se précipitèrent vers nous lorsqu'ils nous virent, croyant sans doute que nous allions leur apporter de la nourriture ; mais avions les mains vides.
Nous étions bien dans le campement idéal que D..... nous avait décrit; il ne correspondait pas à la vision initiale que je m'en étais forgé, mais avait les allures d'un de ces lieux imaginaires qu'on rencontre parfois en feuilletant les livres illustrés pour les enfants. Il était ce campement un peu sorti d'un conte de fée ; avec ses roulottes rutilantes, ces petites constructions dissimulées sous des feuillages, ces animaux fermiers, il avait ainsi des allures presque irréelles. La mer n'était pas si proche du lieu que D..... m'avait laissé entendre; on la voyait au loin derrière une petite butte entourée de ronces et d'arbrisseaux; mais lorsque je cru pouvoir suivre le chemin qui semblait y mener; je me heurtai à un mur d'épines. Ainsi, on voyait bien la mer de là ou nous étions, mais elle semblait pourtant inaccessible. Ce campement n'avait pas les allures que lui avaient prêtés mes rêves, lorsque D..... m'en avait fait la description, mais à présent à le voir; je pouvais bien l’admettre, il ne faisait pas défaut à la vision idéale qu'il m'en avait brossé.
Il possédait un caractère beaucoup plus riant que je ne l'avais imaginé ; j'avais imaginé un campement aux allures sauvages et fantastiques, dans un décor tout aussi fantastique ; j'avais sous les yeux le sujet d'un conte merveilleux pour les enfants.


Nos amis n'étaient pas là, nous nous sommes décidés à quitter l'espace féerique, mais désert qui nous avait servit de point de repère dans ce voyage ; car nous voulions visiter le gouffre de Plougrescan pendant que le soleil était toujours de la partie.




























CHAPITRE V







Une certaine lassitude pourrait se faire jour à la lecture de ces pages, si dans l'intervalle de ces récits, ne venait se glisser une part de beauté qui n'appartient pas à la forme spécifique des paysages que nous avons traversés, mais à la nature amoureuse du rapport que nous entretenions avec ceux ci.
Si j'avais du faire ce périple en solitaire, il est probable que je n'aurais jamais écris ces pages. Ces pages furent soufflées par les formes amoureuses de l'amour, autant que par les formes amoureuses des paysages que nous avons traversés.
Si y. ne m'avait pas accompagnée dans ce périple ; y aurais je trouvé les mêmes joies.
Les joies de l'amour se confondaient dans ce périple avec celles du voyage, elles y étaient si intimement mêlées qu'il m'est impossible de les dissocier. Ce voyage en Bretagne en partie improvisé, en partie calculé, ne pouvait pas revêtir dans mon esprit un autre aspect plus évocateur que celui qui résonne à l'oreille des amants, lorsqu'ils entendent la voix de la femme qu'ils adorent exprimer la surprise, l'étonnement ou la félicité devant un aspect soudain du paysage qu'elle rencontre pour la toute première fois.
Et c'est dans leur cœur, comme une sorte de baume que répandent les paroles de la femme qu'ils adorent, car en plus de la félicité que leur offre la contemplation de certains merveilleux paysages, ils possèdent de surcroît la félicité suprême, celle qui leur permet de les contempler en accord secret avec celle qu'ils aiment.
Ainsi l'homme comblé, et celui qui aime, en sachant qu'il est aimé. Ainsi mon voyage s'effectua sous le signe de l'amour, et c'est sous le signe de l'amour que se dressaient les paysages que je voyais soudain éclorent pour la toute première fois, bien qu'il me revenait en souvenir de les avoir parcouru déjà maintes fois, pour certains d'entre eux. Ainsi en fut il du gouffre de Plougrescan.

























QUATRIEME PARTIE






























DERNIER CHAPITRE







Ainsi ce jour où nous fîmes escale à Plougrescan, fut un jour bénit. Il fut bénit par la beauté céleste des paysages.
Et mon cœur fut comblé par la beauté resplendissante des voix que j'entendais murmurer dans mon rêve ; les voix parlaient de l'amour que j'éprouvais pour celle que j'accompagnais. Et tel un vol d'oiseaux blancs sur un ciel nocturne, je voyais tournoyer à l'infini les soupirs et les strass que jadis j'avais pu évoquer en contemplant les toiles imaginaires que j'avais peintes lorsque je vivais encore dans mes rêves. Ces toiles évoquaient l'amour des mondes célestes, et toujours elles montraient le profil argenté d'un être semblable à une déesse.
Je pris conscience ce jour là qu'elle naviguait à mes côtés semblables à une étoile qui scintillait ; elle montrait la route au marin imaginaire que j'étais ; elle se prénommait y. ou Iris, elle était devenue ma femme par un effet du hasard, que seul les dieux pouvaient avoir eu en dessein de provoquer.

Le gouffre de Plougrescan, hâtait mes rêves autant qu'il les engloutissaient, et de cet engloutissement surgissait une nouvelle pâte, dans laquelle je reconnu les formes nouvelles d'une poésie, que j'avais sans cesse imaginée sans l'avoir totalement approchée. Aujourd'hui, cette poésie que j'avais espérée, surgissait tout entière dans le déploiement merveilleux des rochers et des eaux que cet espace vertical et ascensionnel suscitait en moi en se reflétant à travers mes songes. Je cru reconnaître dans la forme de certains rochers, des amants enlacés qui me rappelaient la forme divine d'une contrée qui était celle de Cythère, la patrie allégorique des amours ; je cru voir deux silhouettes noires qui se tenaient par la main et qui marchaient sur les eaux ; je me souvins qu'à une certaine époque les poètes en voyaient de semblables dans leurs rêves ; on disait d'elles alors, qu'elles étaient une métaphore de l'âme; elles se dirigeaient en direction d'un rocher dédié à l'amour.
Dans cet espace ou la nature devenait à la hauteur de mon imaginaire, je pouvais projeter toutes sortes de rêves fantastiques, car je me sentais délivré du poids singulier de la réalité. Je marchais à l'unisson de y. dans ce décor surnaturel sorti d'un livre de poésie écrite par des dieux.
Nous restâmes suspendu un temps indéfini dans cet espace de rêves. Un beau chien fou, vint à nous, il nous lécha les mains, et nous suivit pendant quelques temps ; je le croyais envoyé par une quelconque divinité, tant il ma paraissait que sa présence ici paraissait insolite, car nul à part nous ne traversait ce paysage.
Pourtant, quand le soleil tomba et qu'il nous fallu quitter cet endroit enchanté, nous vîmes le chien disparaître au loin, et virer à l'angle d'une ferme, dont sans doute il venait ; j'avais cru être l'élu des dieux, mais c'était le territoire de mes folles pensées qui avait soudainement croisé le trajet régulier d'un chien fou.
Alors dans le dernier éclat du soleil qui chutait, je vis à travers un voile de buée transparent, dans un éblouissement, une citée sur la ligne que formait l'horizon, elle semblait m'attendre, tel un mirage pour bercer un chant de marin, que je venais d'improviser en regardant monter les flots qui ressemblaient à ceux de la mer, mais qui n'étaient en fait que les boucles de cheveux d'une femme que je voyais se baigner dans les eaux. Cette femme, telle une sirène se tenait allongée au cœur même des vagues que je voyais monter jusqu'à la grève.
Elle était si belle que je failli en tomber ivre d'ivresse. Elle me rappela le corps d'une étoile que j'avais embrassé à Paris dans un songe amoureux. Pourtant elle ressemblait aussi à y. ma reine de lumière. Si bien que je ne savais plus, si cette sirène était le double de la femme que j'aimais, ou si elle était une autre, une de celles qui avait si souvent troublé mes derniers rêves, en déposant sur eux la nappe éblouissante et limpide de ses blonds cheveux.
Je frottai mes yeux ; et je vis une femme divinement belle tenir dans le creux de sa main une perle orientale ; derrière elle se tenait une femme plus jeune aux blonds cheveux d'or, elle avait le corps tatoué d'étoiles ; je compris alors qu'il avait deux femmes qui marchaient vers moi. La femme aux cheveux d'or tenait dans ses mains un plateau remplit de fleurs et de coquillage ; je vis soudain les deux femmes s'arrêter au milieu des flots ; toutes deux souriaient ; elles se tournèrent l'une vers l'autre et firent en direction l'une de l'autre deux gestes gracieux ; la déesse blonde prit alors un collier de nacre blanc qui se trouvait sur le plateau qu'elle tenait dans ses mains, et le passa autour du coup de celle qui tenait dans le creux de sa main une perle orientale ; c'est alors que la perle émit une lumière d'une clarté irradiante, et tout l'espace d'un seul coup devint couvert de poussière d'or. La jeune femme aux blonds cheveux, avait le corps resplendissant, elle sourit et d'un geste rapide plongea dans les eaux, et je vis à sa queue que c'était une sirène, elle vivait sans doute au fond des océans et n'en était sortie que pour offrir cette couronne de nacre blanche à celle qu'elle avait vu surgir sur la surface des eaux.
A l'horizon, la cité que j'avais aperçu, venait d'ouvrir ses portes tel un merveilleux coquillage vêtu de nacre ; elle laissait resplendir ses vastes dômes qui étaient ceux d'une ville que j'avais admiré en parcourant la chine, et dont le nom m'échappait. Plus loin, j'apercevais des paysages nomades, et je vis que c'était la Mongolie qui était suspendue à travers les portes de la ville, comme si deux paysages se superposaient dans une seule et même vision. Bientôt je vis ma céleste compagne apparaître en belle robe de satin bleu, une rose rouge à la main ; je la vis apparaître au centre du mirage, telle une reine immortelle entourée de lumière ; je cru que je rêvais ; mais je ne rêvais pas ; je sentais distinctement sa main qui serrait la mienne, et les rêves ne font pas cet effet.
Puis je me vis tel Dante voyageant en longeant les écueils entre la mer, pour aller au devant de celle qu'il avait ordonné en son cœur ; et je me mis à l'embrasser, et je sentis sa main serrer ma main, et je vis que nous étions en train de marcher d'un pas égal au bords de l'océan semblable à deux ombres noires serties de lumière blanche.
















FIN


J'avais peine à sortir de mes rêves, nous nous sommes dirigés doucement vers ma vieille Lada bleu marine qui nous attendait sur le parking attenant aux rocher. Y. souriait, elle serra ma main ; elle me dit - C'est un endroit magique ! - Je ne répondis pas, car j'étais encore enveloppé par mon songe ; il ma fallu encore quelques instants pour retrouver la réalité. Je me mis à accélérer le pas brusquement ; je sentis le vent frais du soir qui vint heurter mon visage ; alors d'un seul coup, toutes les choses redevinrent aussi simple qu'elles étaient auparavant. Voyant que j'avais reprit mes esprits y. me dit -Maintenant nous devons faire des courses, car nous n'avons rien à manger pour ce soir ! -
- Et en plus, j'ai faim ! -
J'avais repris mes esprits et c'était la seule réplique que j'avais pu lui faire.





J'ai rejoins ici... la première partie du récit que j'avais commencé à écrire, lorsque je me trouvais chez mon ami D..... à Paimpol, je pourrais sans doute prolonger en termes convenus la fin de ces courtes pérégrinations en pays celte; je dit en termes convenus, parsec en écrivant ces récits, je m'étais vaguement fixé comme but de venir les écrire en m'appliquant a en retracer les formes exactes; celles qu'elles avaient revêtues exactement, lors de ce voyage. Pour ce faire, je devrais encore consacrer une dernière partie à ceux ci ; celle qui concerne les derniers moments de ce voyage après notre station à Paimpol ; c'est à dire la pointe de l'Esterel, où nous nous sommes arrêtés, le passage à Cancal ou nous avons dégusté les huîtres, l'arrêt au M StMichel dans ce haut lieu sacré de la Chrétienté, où j'ai jeté une pièce dans le puits qui se trouve sous l'escalier qui menait à l'abbaye, en me faisant le vœu de revenir un jour y écrire un récit ; puis le retour sur Paris dans les embouteillages ; car quand nous sommes revenus sur Paname, la grève des conducteurs SNCF n'était pas terminée, et l'océan de voiture qu'il nous fallu affronter pour traverser la ville lumière aurait bien valu une légère description, tant elle offrait d'aspects mortels. Mais à quoi bon prolonger ces récits, en leur ajoutant des longueurs que seule mon sens scrupuleux des événements vécus aurait pu légitimer, car en finalité, le récit aboutit de lui-même à la fin rêvée que j'aurais pu lui donner, si j'avais pu en rêver d'une telle sorte. Il se conclut pour moi, sur la plus simple des révélations; je me rend compte à présent que je n'ai peut-être écrit ce récit que dans le seul but de m'avouer l'amour d'une femme, qui m'avait invitée à entreprendre ce voyager; car elle aimait voyager; et moi comme je l'aimais je l'avais simplement accompagnée.






ST-J-D'ASTRE-22 DECEMBRE-MILLE NEUF
CENT QUATRE VINGT-QUINZE.RIS-ORANGIS-CAES




































POSTFACE




Il y a des textes que l'on ne devrait jamais conserver, car après coup, ils donnent une idée de soi qui n'est plus nécessairement celle qu'on aimerais trouver, en se relisant ; pour consentir à ce qu'ils existent, il faut admettre que l'homme varie d'une époque à l'autre et que les portraits qu'il trace de lui durant une période de sa vie, ne le représenteront pas tel qu'il aimerait peut-être se voir représenté demain, car les formes de sa sensibilité se seront modifiées ; demain, il aura sans doute changé, et sa vision du monde ne sera plus la même ; il aura par conséquent du mal à se reconnaître dans celui qui parlait en son propre nom à une certaine époque; mais c'est le sort qui nous attend tous dès lors qu'on examine un peu attentivement, les formes variables , contradictoires et changeantes que peuvent receler nos propres personnalités à travers le temps. C'est un peu ce qui m'est arrivé récemment.
Lorsque j'ai relu ce texte écrit en mille neuf cent quatre vingt quinze ; quelques années après, en l'an mille neuf cent quatre vingt dix huit, alors que j'avais commencé par me frotter un peu plus régulièrement au travail de polissage de l'écriture, j'ai cru devenir fou ; car le récit que j'avais trouvé relativement intéressant quelques temps après l'avoir écrit, me sembla d'une pompe affreuse.
Prenant du recul à nouveau, quelques temps plus tard, j'ai fini par remarquer qu'il avait un rythme qui lui était propre ; ainsi, malgré des lourdeurs dans l'emploi de la syntaxe, j'avais remarqué qu'il avait quelques qualités.
En réalité, les côtés épouvantables que je lui avais trouvé, ne provenaient que du fait que je portais depuis un certain temps, un autre regard sur l'écriture. J 'avais accompli, un petit travail de déraidissement de ma manière d'écrire, ayant rendu mon écriture un peu plus souple, je distinguais mieux les contours un peu emphatiques de l'ancienne, c'est pourquoi, je me croyais autorisé à les rectifier ; c'était une stupide erreur, on ne refait pas l'homme qu'on était hier, on doit le prendre tel qu'il était ; sinon accepter de le voir disparaître, si son portrait ou sa manière de parler, ou ses mimiques nous agacent trop.
C'est ainsi, qu'après mûre réflexion, j'ai fini par accepter celui qui a écrit ce texte, en choisissant de le signer de mon nom d'écrivain véritable. J'en suis encore tout estourbit.

Ce récit de voyage à une histoire, il est le tout premier récit auquel je me suis attelé pour m'exercer à l'art d'écrire. Il est donc naturel qu'il contienne des défauts, car écrire est avant tout une pratique ; si vous en doutez, demander donc à un écrivain de peindre un tableau, vous verrez que ce n'est pas si facile ; c'est en forgeant qu'on devient forgeron, telle est ma devise. Ce premier récit à toutes les mauvaises qualités et tous les bons défauts que je me reconnais ; emploie de formules alambiquées, phrases interminables, emploie d'un rythme pas toujours de très bonne qualité ; pourtant je crois qu'il est quand même lisible au final malgré toutes les tares que je lui ai trouvé.
En fait disons le, seule l'idée que je me faisais de moi à cette époque à changée. Aujourd'hui, si j'avais à refaire ce périple celtique; ma vision des choses ne serait probablement plus la même; elle ne serait ni moins bonne ni meilleure, elle serait différente, car l'homme que j'étais hier et celui que je suis devenu aujourd'hui sont par certains côtés deux êtres différents. Croire qu'ils puissent encore porter le même regard sur les choses, j'aurais peine à le croire.
Ce récit que j'ai écrit hier, je le relis à présent comme si c'était un autre qui l'avait écrit, que cet autre parle de moi, de ma vie passée, je trouve cela émouvant et je l'avoue je me suis même surpris à rêver en reparcourant avec lui les anciennes lignes de fractures de mes anciennes vies passées ; ce récit parle aussi d'un ami, et au final c'est ce qui m'importe le plus, il parle d'un ami qui a laissé des traces dans ma vie, et de le retrouver ici dans ce récit ma parfois fait chaud au cœur; de même, j'ai retrouvé dans les pas de celle qui m'accompagnait alors le même sourire discret et le même amour ferme, et légèrement distancé qui ma accompagné jusqu'à ce jour; sans elle ,je n'aurais pas écrit ce récit et c'est au final la seule révélation pertinente de ce voyage, pour moi qui le relit cinq ans après qu'il fût écrit.
Ce récit n'est donc pas si mauvais, puisqu'il ma fait voyager à travers le temps, et que j'ai pu à travers lui retrouver une infime partie de celui que j'étais hier encore à une époque pas si lointaine ; car il n'est pas si loin de moi finalement celui qui s'exerçait à l'écriture à travers ces notes de voyages, il n'est peut-être pas autant éloigné que je voudrais le croire, de celui qui écrit aujourd'hui cette petite postface pour son propre plaisir personnel. Seule sa manière d'écrire à peut-être changée ; quant à sa vision du monde, elle était sans doute différente de celle que j'aurais pu en avoir aujourd'hui ; mais c'était tout à fait naturel ; car ma vie depuis que ce texte avait été écrit, avait changée d'orbite ; je m'apprêtais à laisser derrière moi, une partie de mes anciennes façons de vivre ; une vie nouvelle venait à moi ; je savais qu'elle ne serait ni moins bonne ni meilleure que la précédente ; elle serait assez différente de celle que j'avais connu, car j'en avais décidé ainsi. Il faut savoir mourir pour renaître à nouveau ; savoir renaître pour mourir à nouveau ; j'avais toujours appliqué cette chose dans ma vie ; du moins la vie elle-même m'avait toujours incitée à l'appliquer. Et c'était avec joie que je m'apprêtais à mourir quand la chose survenait ; car je savais qu'alors une autre vie se présentait à moi ; j'avais parfois du mal à quitter mes anciennes demeures, et à abandonner mes anciennes possessions ; mais je savais que c'était la seule façon de vivre sur cette terre, car au final la mort qui nous attendait tous, nous laisserait dépouillé de tous ce qui nous attachait à tout ce que ce monde avait d'admirable et de cruel ; il fallait apprendre tant qu'il était temps encore à laisser derrière soi, ce qui n'était pas essentiel. Il fallait aller incessamment à l'essentiel, ne jamais perdre de vue le cycle régénérateur des transformations ; c'était la seule façon de vivre heureux sur cette terre, et d'accéder peut-être un jour à l'éternité ; celle qui demeurait cachée derrière l'apparence mortelle et les contours exaltants mais aussi illusoires du monde qui nous habite.



ST.J.D'ASTRE LE I8 JUILLET 1999
"LA MAISON DE LUMIERE"

PS: Cette postface, je la laisse pour ce qu'elle vaut, peut-être ne sera t'elle pas la postface définitive, car par certains côtés je la trouve trop peu optimiste ; c'est pourquoi je me réserve la faculté d'en pondre une autre dans quelques temps, lorsque le temps faisant son œuvre je viendrai relire ce manuscrit, afin peut-être de le présenter à un éditeur ; pour le moment j'ai pondu cette postface après avoir passer quelques à le retaper au propre sur mon ordinateur, travail de frappe, assez monotone qui méritait bien une petite compensation.